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un prêtre nomme l’Oyseleur, de s’introduire dans la prison, de feindre d’être, connue Jeanne, retenu dans les fers, de gagner sa confiance, et de recevoir sa confession, que deux hommes apostés derrière une fenêtre ouverte recueillirent par écrit ; mais cet expédient sacrilège n’ayant fourni aucun indice des crimes dont Jeanne était accusée, Cauchon fut soupçonné d’avoir voulu l’empoisonner. Il voulut la faire appliquer à la question : la crainte qu’elle ne mourut dans les tortures l’obligea seule d’y renoncer.

Enfin il prononça la sentence qui la condamnait à une prison perpétuelle, au pain de douleur et à l’eau d’angoisse. La populace accabla l’évêque d’injures, et le poursuivit à coups de pierres. D’un autre côté, les Anglais, furieux de n’avoir pu obtenir une condamnation à mort, accuseront le prélat de n’avoir pas gagné l’argent qu’il avait reçu. Il promit de satisfaire la soif qu’ils avaient du sang de l’héroïne. Jeanne fut reconduite dans son cachot. Elle avait déjà repris ses habits de femme ; on les lui enleva pendant la nuit. À son réveil, elle ne trouva qu’un habit d’homme, et fut enfin obligée de s’en couvrir. Alors l’évêque entra avec ses témoins, sortit transporté de joie, et, rencontrant le comte de Warwick, s’écria : « C’en est fait, nous la tenons. » Le lendemain, il la déclara relaps, excommuniée, rejetée du sein de l’Église, et la livra au bras séculier (le 50 mal 1181). Il fulmina sa sentence sur un échafaud placé devant le bûcher. Jeanne lui dit : « Vous êtes cause de ma mort ; vous m’aviez promis de me rendre à l’Église, et vous me livrez a mes ennemis. » On dit que, pour la première fois, l’évêque de Beauvais se sentit attendri, et dévoré les pleurs qui le trahissaient ; mais les juges, le peuple, les archers et le bourreau même n’avaient pu retenir leurs larmes. (Voy. Jeanne d’Arc.) Cauchon obtint du roi d’Angleterre des lettres de garantie contre le saint-siège et le concile. Il mourut subitement en 1443, en se faisant la barbe ; il fut excommunié par Calixte IV ; son corps fut déterré et jeté à la voirie. — Guillaume Cauchon, neveu et héritier de l’évêque de Beauvais, fut le premier à déclarer, avec serment, que la condamnation de Jeanne d’Arc avait été l’effet de la seule haine des Anglais.


CAUCHON. Voyez Maupas.


CAULAINCOURT (Auguste-Jean-Gabriel, comte de), général de division, naquit à Caulaincourt, d’une des plus anciennes et des plus illustres familles de la Picardie[1], le 16 septembre 1777. Il entra de bonne heure au service, et devint successivement sous-lieutenant de cuirassiers le 14 janvier 1792, aide de camp d’Aubert-Dubayet le 28 mars 1795, lieutenant au 1er de carabiniers le 21 janvier 1796, et capitaine au 1er de dragons le 28 février 1791. De Caulaincourt fit alors les campagnes du Rhin ; il se distingue particulièrement à la bataille de Stokach, à l’affaire de Muthen-Thal, et aux débouchés du St-Gothard, où il fut blessé d’un coup de lance. Nommé chef d’escadron au même régiment, il passa peu de temps après a l’armée d’Italie, fut blessé à Marengo, et le 24 pluviôse an 9, on le vit enlever avec son escadron quatre cents fantassins hongrois, à Vede-Lago. À la suite de ces diverses actions, de Caulaincourt fut fait colonel, puis aide de camp du général Berthier en 1804, et général de brigade en 1806. Il se rendit en cette qualité à l’armée d’Espagne, et marcha à la tête d’un corps de 8 000 hommes sur Cuenca, dont les habitants s’étaient soulevés et avaient massacré nos soldats. Bientôt la ville fut réduite, et la révolte étouffée. Après la capitulation de Baylen, le général de Caulaincourt ne se laissa pas entamer, et ramena heureusement son corps intact à Madrid, bien que ses communications eussent été presque aussitôt coupées. Il servit ensuite en Portugal, où il fut choisi, par les maréchaux ducs de Dalmatie, de Trevise et d’Elchingen, dont les trois armées venaient de se réunir, pour exécuter le passage du Tage, au-dessous du pont de l’Arzo-Bispo, le 8 août 1800 : la manière brillante dont il exécuta cette opération difficile lui mérita le grade de général de division (Voy. le Moniteur du 28 septembre 1800.) De Caulaincourt combattit dans la Péninsule jusqu’à la campagne de Russie, pendant laquelle il commanda le grand quartier général. À la bataille de la Moscova, il conduisit le 2e corps de cavalerie, composé de trois divisions, et ses efforts venaient de contribuer puissamment à nous assurer la victoire, lorsqu’il fut emporté par un boulet de canon, le 10 septembre 1810. Le 18° Bulletin de la grande armée, date de Mojaïsk, rend compte ainsi qu’il suit de cet événement : « Le général de division, comte de Caulaincourt, commandant le 2e corps de cavalerie, se porta à la tête du 5e régiment de cuirassiers, culbuta tout, entra dans la redoute de la gauche, par la gorge ; dès ce moment la bataille « est gagnée!… Le comte de Caulaincourt, qui vient de se distinguer par cette belle charge, avait terminé ses destinées ; il tombe frappé par un boulet, mort glorieuse et digne d’envie! » Auguste de Caulaincourt avait été nommé gouverneur des pages de Napoléon et comte de l’empire. Il était commandant de la Légion l’honneur, grand-croix de l’ordre de la Réunion, etc. Aussi instruit que brave, il ne brillait pas moins dans la société par son esprit et ses lumières, que dans les combats par sa valeur.

CH-s.


CAULAINCOURT (Armand-Augustin-Louis de), duc de Vicence, de la même famille que le précédent, naquit en 1775. Il entra au service, selon l’usage, dès sa première jeunesse. En 1792, son père, le marquis de Caulaincourt, lieutenant général[2] dont il était aide de camp, ayant été destitué comme noble, il quitta aussi l’armée. L’année suivante, il se trouvait compris dans la le-


  1. C’est à un Jean de Caulaincourt, moine de Corbie au commencement du 16e siècle, que nous devons-un manuscrit précieux qui se trouve à ta bibliothèque royale, sous le titre Chronicon Corbiniense, anno 662 ad annum 1529, in-fol.
  2. Le marquis de Caulaincourt ne fut jamais attaché au service personnel de la maison de Condé, quoiqu’on ait affecté de publier le contraire. La marquise de Caulaincourt était dame d’honneur de la comtesse d’Artois.
    D-r-d.