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contester la justice et la convenance, passe successivement en revue les articles dont se composent les diverses lois répressives de la licence de la presse, en fait connaître le véritable esprit d’après les discussions qui ont eu lieu dans les deux chambres, et les compare aux besoins, aux faits sociaux au milieu desquels se meut l’existence moderne. 2° Commentaire sur la Code pénal, contenant la manière d’en faire une juste application, l’indication des améliorations dont il est susceptible, etc., 1823-1821, 2 vol. in-4°. Ce commentaire, justement estime, est le complément nécessaire de l’ouvrage de l’auteur sur l’instruction criminelle. Les excellentes vues qu’il renferme ont été mises à profit pour la rédaction des lois qui ont successivement adouci notre législation pénale. Carnot était de l’académie des sciences morales et politiques de l’Institut. Il a publié sous le voile de l’anonyme : 1° le Code d’instruction criminelle et le Code pénal mis en harmonie avec la Charte, Paris, 1810, in-8° ; 2° de la Discipline judiciaire considérée dans ses rapports avec les juges, les officiers du ministère public, etc., Paris, 1825, in-8°. L-m-x et Val. P.


CARNOT (Lazare-Hippolyte-Marguerite), frère du précédent, l’un des acteurs les plus fameux de nos révolutions, naquit le 15 mai 1753 à Nolai en Bourgogne, dans une famille de bourgeoisie fort estimée. Son père, avocat sans fortune, eut dix-huit enfants, et il destina celui-ci à l’état ecclésiastique. Après avoir fait ses premières études au collège d’Autun, le jeune Carnot entra dans le séminaire de cette ville. Mais, entraîné par un goût irrésistible, il fit beaucoup plus de progrès dans les mathématiques que dans la théologie. Ces dispositions, connues d’un père attentif, décidèrent de sa carrière, et à l’âge de seize ans Lazare fut envoyé dans une des écoles de la capitale où l’on formait des élèves pour l’artillerie et le génie. Au bout de deux ans il subit un brillant examen et fut admis dans le corps du génie militaire. C’était alors la seule porte qui fût ouverte aux roturiers dans la carrière des armes : Carnot y entra plein de joie et d’espérance, et il se rendit à l’école spéciale de Mézières, où il eut pour professeur le célèbre Monge. Devenu lieutenant après deux ans de fortes études, il fut employé dans la place de Calais, ou des travaux importants lui donnèrent l’occasion de se faire connaître. Un de ses frères (Carnot-Feulins), destiné à la même profession, étant venu le joindre, il lui donna des leçons et le mit bientôt à même de subir tous les examens. Lazare Carnot était dès lors considéré comme un des officiers les plus instruits d’une arme qui en comptait de très-distingués. Il avait aussi cultivé toutes les parties des sciences physiques, et même il s’était occupé de littérature et de poésie. Les recueils du temps, entre autres l’Almanach des Muses, de 1787 à 1790 contiennent plusieurs morceaux de sa composition. l’académie de Dijon ayant ouvert un concours en 1781 pour l’éloge de Vauban, il remporta le prix, et fut couronné par le prince de Condé lui-même, qui se trouvait dans cette ville. Cette circonstance a fait dire que c’était à la protection de ce prince qu’il avait dû son avancement, et il l’a nié plus tard. Quoi qu’il en soit, ce fut par rang d’ancienneté qu’il devint capitaine en 1785 : il obtint en outre la croix de St-Louis. Il avait alors trente ans. L’éloge de Vauban ajouta beaucoup à sa réputation ; et plusieurs académies, notamment celle de Dijon, s’empressèrent de le recevoir dans leur sein. Ayant voué dès lors à ce grand homme une espèce de culte, il n’en parlait qu’avec la plus profonde admiration. Cependant il n’était pas de son avis sur tous les points. On sait, par exemple, que Vauban avait mis l’attaque des places au-dessus de la défense ; Carnot ne pensait pas ainsi, et, malgré l’opinion du grand maître qu’il admirait, et celle de la plupart de ses confrères, il a toujours dit que les moyens de défense sont supérieurs a ceux de l’attaque, et nié que l’on pût, comme l’avait dit dit Vauban, fixer mathématiquement l’heure à laquelle une place doit succomber. Cette obstination, cette invincible ténacité dans ses opinions, fut le trait distinctif du caractère de Carnot ; il l’a poussé à l’excès dans les sciences comme dans la politique. Ce n’est pas là toujours, il faut en convenir, le cachet ni la marche du génie ; et ce n’est pas surtout une garantie d’infaillible succès. Cependant Carnot suivait avec zèle toutes les inventions, toutes les découvertes, et plus particulièrement celles dont s’enrichissait la haute analyse. Il est un des premiers qui se soient fait des idées lucides et justes sur la métaphysique du calcul infinitésimal, dont ni Leibnitz ni d’Alembert n’avaient conçu parfaitement la nature. En 1786, il publia, sous le titre modeste d’Essai, des recherches profondes sur les machines en général. Cet ouvrage, dans lequel il avait successivement traité de toutes les parties de la mécanique, lui fit beaucoup d’honneur ; et ce fut à cette époque que le prince Henri, qui avait été témoin de son triomphe à Dijon, lui proposa de servir dans l’armée du grand Frédéric. Mais l’existence de Carnot était dès lors trop brillante dans sa patrie, pour qu’il pût être tenté de s’en éloigner, et il venait de s’y attacher encore par de nouveaux liens, en épousant mademoiselle Dupont, fille d’un riche négociant de St-Omer. La révolution, qui déjà se préparait, vint d’ailleurs lui offrir de nouvelles séductions. Admirateur passionné des vertus républicaines, il ne doutait point que l’on ne put encore régir les peuples comme aux premiers temps de la république romaine ; et, toujours inflexible dans ses opinions, il croyait à ses idées comme aux vérités de l’algebre : les plus cruelles expériences même n’ont pu l’en détromper. Il embrassa donc dès le commencement avec beaucoup d’enthousiasme la cause de la révolution ; et ainsi que son frère, comme lui capitaine de génie, il fut nommé député à l’assemblée législative par le département du Pas-de-Calais en 1791. Son début dans cette assemblée fut la demande d’un décret d’accusation contre Calonne, le vicomte de Mirabeau, et les princes français qui faisaient en Allemagne des préparatifs de guerre contre la révolution. On savait que le prince de Condé, qui l’avait autrefois couronné, était au nombre de ces émigrés, et l’on ne manqua pas de remarquer