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il avait été mis à sa place, et, par une rare exception, sa mort n’ajouta rien à sa renommée. Cependant son siècle le sentit plutôt qu’il ne sut le juger. La Bruyère mettait Œdipe sur le même rang qu’Horace ; Baillet disait que d’Àubignac semblait être placé près de Corneille pour l’obliger à marcher droit, et ce d’Aubignac imprimait que la tragédie de Théodore était le chef-d’œuvre de Corneille. Voilà les jugements contemporains. C’est l’histoire de tous les siècles et de toutes les renommées. Ceux qui devaient le mieux juger, et qui jugèrent, en effet, avec le plus de justesse, non-seulement les ouvrages, mais le génie de ce grand homme, furent, comme on sait, Molière, Despréaux, qui cependant parut le méconnaître une fois, et Racine, qui, directeur de l’Académie à l’époque de sa mort, dut aux circonstances le bonheur de lui rendre un noble hommage. Dans le 18e siècle, la critique littéraire s’étant étendue et perfectionnée, en se formant une langue plus rigoureusement exacte, et dont les expressions étaient mieux définies, on apprit généralement à raisonner son admiration ; et les grands écrivains de l’âge précédent obtinrent une justice plus flatteuse. Voltaire, à qui l’on devait surtout cette heureuse révolution dans la langue de la critique, en donnant une édition du Théâtre de Corneille, en 1764, y joignit un commentaire qui est peut-être encore aujourd’hui ce qu’on a écrit de plus utile sur l’art et la poésie dramatiques. Il s’en faut bien cependant que ce précieux commentaire soit toujours exempt d’erreurs, et même d’erreurs très graves. Voltaire partageait l’opinion de ceux qui accordent une préférence presque exclusive à ces touchantes infortunes et à ces combats du cœur qu’il avait lui-même su peindre avec tant de charme et d’éclat. Cette prévention dut le rendre moins sensible à des beautés d’une autre nature, l’empêcher même quelquefois de mesurer dans toute leur étendue, de pénétrer dans toute leur profondeur, des combinaisons d’un autre ordre, et cela seul peut expliquer comment Voltaire, analysant Corneille, a pu laisser beaucoup à faire à ceux qui viendraient après lui. L’auteur du Cours de littérature, moins habile ou moins heureux dans son analyse de Corneille que dans celles de Racine et de Voltaire, n’a souvent fait que reproduire, dans un style agréable et de bon goût, mais un peu traînant et négligé, les principales remarques de l’illustre commentateur. Palissot, en les insérant toutes dans son utile édition des Œuvres complètés de Corneille, y a joint des notes intéressantes, des éclaircissements nécessaires, des aperçus justes et fins. En 1767, l’académie de Rouen, fière d’un grand nom dont la gloire devait particulièrement l’intéresser, proposa pour sujet d’un concours d’éloquence, l’Eloge de Pierre Corneille. Gaillard remporta le prix, et Bailly obtint l’accessit. (Voy. GAILLARD.) Les deux Eloges eurent du succès. Le premier a été

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mis en tête de quelques éditions de Corneille, et l’un et l’autre se trouvent dans le recueil imprimé des discours de leurs auteurs (1)[1]. On a une édition du Théâtre de Pierre Corneille revue par Corneille lui-même, Paris, 1665 et 1664. 2 vol. in-fol. Mais on estime particulièrement celle qui a été donnée par le censeur royal Jolly, avec les œuvres dramatiques de Thomas, Paris, 1738, 16 vol. in-12. On les réimprima à Amsterdam, 1740, et à Paris, 1747, 11 vol. in-12 ; 1758 et 1759, 19 vol. petit in-12. On trouve dans cette collection les Poésies diverses, mais il est à regretter que l’éditeur n’ait pas admis un Avis au lecteur, composé par Th. Corneille pour les œuvres de son frère, et qui se trouve en tête des Discours sur l’art dramatique dans l’édition de 1688, en 4 vol. in-12 ; dans celle de 1692, en 5 vol., et dans plusieurs éditions modernes, notamment celle de Renouard et celle de Lefèvre. Parmi les autres éditions du Théâtre, nous citerons les suivantes : Genève, avec les commentaires de Voltaire, 1764, 12 vol. in-8o, fig. ; ibid., 1774, 8 vol. in-4o, fig. ; Paris, P. Didot, avec les mêmes commentaires, 1796, vol. in-4o, papier vélin, édition tirée à 250 exemplaires, et qui peut faire partie de la collection du Dauphin. Les Commentaires de Voltaire ont été aussi imprimés séparément, et dans les diverses éditions des œuvres du philosophe de Ferney. Ils se trouvent, comme nous l’avons déjà dit, dans les Œuvres complètes de Corneille, avec des observations critiques, par Palissot, Paris, 1802, 10 vol. grand in-8o. Les éditions complètes qui ont paru depuis sont celles de Renouard, avec les commentaires et les chefs-d’œuvre de Thomas Corneille, Paris, 1817, vol. in-8o ornés de fig. d’après Moreau ; celle de Lefèvre, avec les notes de tous les commentateurs, Paris, 1824, 12 vol. in-8o, port., faisant partie de la belle Collection des classiques français ; enfin celle donnée par le même libraire, Paris, 1854, 2 vol. gr. in-8o à 2 col., qui reproduit en partie les notes de la précédente, et figure dans le Panthéon littéraire. Les éditions des Œuvres choisies et Chefs-d’œuvre sont très nombreuses. Nous n’indiquerons guère que les meilleures : Oxford, avec les jugements des savants à la suite de chaque pièce, 1746, in-12 ; ibid., avec les mêmes jugements et les chefs-d’œuvre de Thomas, 1758, 2 vol. in-12, réimpr. à Amsterdam et à Leipsick, en 1760 ; Paris, P. Didot, 1814, 5 vol., in-8o, faisant partie de la Collection des meilleurs ouvrages de la langue française. On y joint l’Esprit du grand Corneille, ou Extrait raisonné de ceux de ses ouvrages qui ne font point partie des chefs-d’œuvre dramatiques, etc., suivi des pièces choisies de Th. Corneille, ibid., 1819, 2 vol. in-8o. L’Avis au lecteur dont nous avons parlé ne pouvait échapper à la sagacité de l’éditeur de ce recueil, Fr. de Neuf-

  1. (1) Cet article serait incomplet, si l’on ne suppléait point à ce que la modestie de l’auteur lui a fait omettre. On se souvient qu’en 1807, l’Académie française ayant aussi proposé pour sujet de prix l’Éloge de Corneille, Victorin Fabre remporta ce prix par acclamation. Auger obtint la seconde palme, Chazet une mention honorable. Les trois éloges ont été imprimés ; celui de Fabre a eu une seconde édition, honneur rarement réservé aux discours académiques. (Note de l’éditeur.)