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jouiraient des revenus du comté de Nantes. L’ambition et l’avarice de Henri ne se trouvaient point assouvies. Connaissant la timide faiblesse du duc, il ne craignit point de lui demander ses États ; Conan n’osa les refuser, et ne se réserva que le comté de Guingamp. Le roi d’Angleterre reçut donc l’hommage des barons, et prit possession du duché de Bretagne ; mais après son départ, Eudon et les seigneurs de son parti prirent les armes pour secouer un joug qui leur était odieux. Conan, qui ne montra quelque énergie que dans les guerres qu’il lit contre les siens, contre sa gloire et ses intérêts, attaqua les Bretons, eut d’abord l’avantage, et finit par appeler Hem-i à son secours. Hem-i vint avec des forces considérables, prit Josselin, Vannes, Aurai, fut partout triomphant et barbare, et Eudon alla une seconde fois chercher à la cour de Louis VII un asile contre sa mauvaise fortune. Geoffroi, fils de Henri, fut reconnu duc de Bretagne, et couronné à Rennes par Étienne, évêque de cette ville. Conan, esclave de l’Angleterre, lit encore la guerre pour rétablir l’évêque de Léon sur son siège, et mourut l’an 1171, n’étant regretté que des moines, auxquels il avait fait beaucoup de bien.


CONANT (Jean), théologien anglais, d’une famille d’origine française, établie depuis plusieurs années dans le comté de Devon, naquit le 18 octobre 1608 à Yeatenton, petit village de ce comté. Il fut élevé à Oxford, où il se distingua par ses progrès et son extrême modestie. Le docteur Jean Prideaux disait de lui, en jouant sur les mots : Conanti nihil est difficile. Nommé, en 1653, associé du collège d’Exeter, Conant résigna cette place en 1647, plutôt que d’entrer dans le covenant que l’on obligeait tous les membres de l’université de signer. Déja depuis longtemps il avait quitté le collège, et était entré comme chapelain chez le lord Chandos ; il refusa plusieurs bénéfices avantageux, craignant d’être obligé ai des choses contraires à sa conscience. Cependant, en 16·19, il fut nommé à l’unanimité recteur de ce même collège d’Exeter ; mais bientôt le parlement envoya l’ordre de signer un engagement conçu en ces termes : « Nous promettons d’être fidèles à la république d’Angleterre telle qu’elle est établie maintenant, sans roi ni chambre des pairs.» On avait prescrit un certain terme pour signer cet engagement ; Conant demanda quinze jours de plus pour y penser ; au bout des quinze jours, il demanda encore un mois, après lequel il signa ainsi : « Requis de signer, je déclare humblement : 1° que je ne dois pas être censé approuver ce qui a été fait pour établir le présent gouvernement, ni ce qui a été fait par ce gouvernement, ni le gouvernement lui-même ; qu’on ne doit pas croire non plus que je le désapprouve, étant toutes choses au-dessus en de ma portée, et les bases d’après lesquelles on procède m’étant inconnues ; 2° que je ne m’engage à rien qui puisse être contraire à la parole de Dieu ; 3° que je ne n’engage pas tellement que si Dieu m’appelait visiblement à obéir à un autre gouvernement, je ne fusse libre de me rendre à cet appel, nonobstant le présent engagement ; et 4° en ce sens, et en ce sens seulement, je m’engage à être loyal et fidèle au présent gouvernement tel qu’il est établi, sans roi ni chambre des pairs. » L’engagement passa de cette manière ; exemple remarquable, et du courage de conscience de celui qui osait le réduire à de pareils termes, et en même temps de la tolérance que commençait à porter dans ses procédés un gouvernement fanatique, mais dont le fanatisme cédait insensiblement au besoin de s’établir, et à cette force qui finit toujours par faire prévaloir l’esprit d’une nation sur celui de son gouvernement. Conant demeura ensuite paisible possesseur de sa place de recteur, dans l’exercice de laquelle il porta la même conscience et la même prudence que dans l’acte qui la lui avait conservée, corrigeant les abus, défendant les privilèges de sa maison contre le gouvernement ou ceux qui voulaient lui en faire le sacrifice, rétablissant les revenus qu’avaient suspendus des dettes contractées pour le service du roi ; enfin veillant avec un zèle infatigable à l’instruction. En 1652 il reçut les ordres de la prêtrise ; en 1654 il fut nommé professeur de théologie à l’université d’Oxford, et en 1657, vice chancelier de cette université. C’est en cette dernière qualité qu’il alla complimenter Charles II lors de la restauration. Nommé de la commission instituée pour revoir le livre des prières (Book of Common prayer), il tâcha d’y faire prévaloir la tolérance qu’il avait droit de recommander, d’autant plus qu’il ne la demandait pas pour lui-même. Bientôt après, l’acte d’uniformité vint alarmer les consciences délicates ; la chose leur paraissait demander un mûr examen ; cependant il fallait commencer par se soumettre. Conant trouva plus simple de commencer par renoncer à ses places et d’examiner ensuite. Enfin, au bout de huit ans, pendant lesquels, refusant de se joindre aux dissenters, il fréquenta constamment les églises publiques, convaincu qu’il pouvait obéir en conscience, il se soumit à tout, même à l’obligation sur laquelle il avait le plus de scrupules, celle de se faire ordonner de nouveau. Sa ré ordination fut faite le 28 septembre 1670 par Reynold, évêque de Norwich, dont il avait épousé la fille en 1651, qui lui avait donné six garçons et autant de filles. La même année, il fut nommé ministre de Ste-Marie Aldermanbury à Londres ; mais il préféra un petit bénéfice dans le voisinage de Northampton, où il était aimé et estimé, et qu’il refusa ensuite de quitter pour des bénéfices plus considérables. En 1676, il fut nommé archidiacre de Norwich par l’évêque de ce diocèse, qui lui écrivit en même temps : « Je ne vous demande pas de remerciements, et je vous en ferai même beaucoup si vous acceptez. » Il accepta, de peur d’être taxé de mauvais procédé ; mais non, comme on le pense bien, sans avoir demandé le temps de la réflexion. En 1681, une des prébendes de la cathédrale de Worcester étant venue à vaquer, le comte de Radnor la demanda au roi pour un homme qui n’avait jamais rien demandé pour lui-même ; c’était Conant : elle fut accordée sur-le-champ. Il n’est pas nécessaire de dire avec quelle exactitude il remplit les devoirs de