Page:Michaud - Le printemps d'un proscrit, 1803.djvu/228

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le repos de personne. Le charme qu’on éprouve en contemplant une ruine, parole naître en nous principalement de l’idée de notre sécurité actuelle ; pour me servir de la pensée de Lucrèce, on jouit à la vue d’un malheur qu’on ne craint point d’éprouver. La Pitié qui se mêle à ce sentiment, est elle-même un sentiment doux et modéré, qui exclut les passions violentes. Ses images peuvent toucher, mais non point exaspérer les cœurs. Les perturbateurs ne pleurent point, et le génie de la discorde ne s’est jamais attendri. Rien n’est plus propre au contraire à nous rassurer sur la cessation des troubles, que de voir qu’on prend enfin quelque intérêt aux images de la Pitié. On ne pleure point sur le champ de bataille : ou se rappelle que dans les plaines encore fumantes de Maringo, Bonaparte regretta de ne pouvoir pleurer sur la mort du général Desaix. Ce n’est que dans le cabane qui succède au tumulte des armes, qu’on peut trouver des pleurs. Les anciens étaient pénétrés de cette idée, aussi représentoient-ils la déesse de la Pitié avec une guirlande d’olivier.

Aujourd’hui, les partis ont mis bas les armes ; les souvenirs sont moins tuners et moins déchirans ; nous sommes arrivés ce terme des grandes douleurs, où l’on est enfin soulagé lorsqu’on a pu pleurer. L’humanité, Monsieur, vous devra la consolation d’avoir retrouvé des larmes ; d’autel de la Pitié a été renversé parmi nous, mais votre