Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 2.djvu/141

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dans le clergé grec, on ne trouvait guère de gens instruits que parmi les évêques. Je ne vous répéterai point tout ce que nous a débité le cénobite du mont Athos. Nos marins grecs croyaient tout ce qu’il disait comme parole d’évangile, et montraient un grand respect pour sa personne. D’un autre côté, ils se moquaient beaucoup du prêtre arménien que nous avions pris aux Dardanelles : ils reprochaient surtout à ce dernier de faire le signe de la croix en portant d’abord la main à l’épaule droite, ce qui était à leurs yeux une grande marque d’hérésie. Ils riaient surtout, et j’avoue que j’en riais avec eux, des terreurs continuelles de notre pauvre compagnon de route, que la moindre vague faisait trembler de tous ses membres. « Il a bien plus peur de l’eau que du feu éternel, disaient-ils ; la crainte du naufrage l’emporte de beaucoup chez lui sur la crainte des jugemens de Dieu. » Comme les matelots grecs observaient très sévèrement leur carême, ils voyaient avec scandale et peut-être aussi avec un peu de jalousie, qu’on mangeât devant eux, à toute heure, sans s’informer si on était dans un temps de jeûne et de mortification. En effet, le prêtre arménien, qui avait assez jeûné dans son exil, s’en dédommageait amplement avec nous ; et toutes les fois qu’on déployait devant lui l’appareil d’un dîner ou d’un déjeuner, sa figure ronde s’épanouissait, et il ne se faisait pas prier pour prendre place au festin. Du