Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 2.djvu/149

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déconcerté ; et je me suis dit, en moi-même, que le caloyer du grand monastère pourrait bien avoir raison ; en effet, pour se faire aimer des hommes quels qu’ils soient et pour avoir une action sur leur esprit, ne faut-il pas leur ressembler de quelque côté, ne faut-il pas s’en rapprocher par les habitudes, par les sentimens, et partager même quelquefois leur ignorance et leurs préjugés ? Les enfans écouteraient-ils leur nourrice, si elle ne s’associait à leur instinct naissant, si elle n’empruntait la voix, le langage et les idées de l’enfance ? Tout en faisant ces réflexions, j’ai remis quelques piastres entre les mains de notre compagnon de voyage, et je l’ai prié de se souvenir de moi lorsqu’il serait de retour sur sa Montagne-Sainte.

Tandis que notre caloyer était ainsi porté en triomphe, nous sommes entrés modestement dans une espèce d’hôtellerie qui donne sur le port : nous y avons été fort bien reçus, quoique nous ne vinssions pas du mont Athos ; car les Grecs n’ont pas moins d’amour pour les piastres des voyageurs, que de respect pour les reliques et les bénédictions des caloyers et des papas : toute notre caravane a été logée dans une vaste galerie découverte, où nous avons soupé et passé la nuit. Nous n’avons pas fermé l’œil à cause du bruit qu’on entendait dans notre auberge et du mouvement qui se faisait dans le port ; mais nous étions