Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 2.djvu/250

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l’Arménien qui fume silencieusement son chibouk sous ces platanes, ne se doute point que le grand vallon fut autrefois couvert de nos tentes et de nos bannières. Naguère, quand, nous parcourions, les rivages d’Abydos, nous aimions à nous représenter par la pensée le jour où l’armée de Xerxès, chantant des hymnes au soleil, traversa l’Hellespont sur un chemin qui soumettait les flots rebelles. Il est ici un spectacle bien plus intéressant pour nous, pour vous surtout qui êtes l’HérocIote de cette autre histoire. Figurons-nous l’armée chrétienne, nos princes, nos chevaliers, la foule des pèlerins, traversant le Bosphore pour aller prendre possession de cette terre d’Asie qu’ils regardaient déjà comme leur conquête. Un autre dieu que le soleil présidait au passage de cette nouvelle armée, c’était un Dieu que Xerxès ne connaissait point, un dieu qui avait eu un sépulcre, mais dont la mort avait répandu des ombres sur ce même soleil qu’adorait le grand Roi.

Au fond de la vallée de Buyuk-Déré, se trouvent des jardins qui fournissent abondamment des fruits et des légumes. Rien n’est plus agréable et plus varié que cette ceinture de montagnes qui entourent le vallon de trois côtés. Ces collines, qui méritent encore comme autrefois le nom de Kalos-Agros (beaux champs), présentent tantôt de longs tapis de vignes, déployant avec majesté leurs pampres verts, tantôt des châtaigniers aux larges feuilles, des