Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 2.djvu/249

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la mer, un grand quai qui le soir se couvre de promeneurs de tous les costumes. La rade de Buyuk-Déré, appelée autrefois le Golfe profond, offre aux navires une station sûre, et commode ; elle est abritée contre les vents du nord par des montagnes qui sont comme les derniers escarpemens de la chaîne de l’Hémus ; une frégate russe s’y trouve mouillée en ce moment.

Vous avez parcouru, comme moi, ce qu’on appelle le grand vallon, lieu charmant qui réunit sous ses ombrages les Francs, les Turcs, les Grecs, et les Arméniens. En entrant dans la belle vallée, du côté de l’Orient, vous avez traversé une prairie arrosée par un ruisseau bordé de saules. Au milieu de ce vaste gazon, s’élèvent les vieux platanes, qui portent le nom de Godefroi-de-Bouillon. Ces arbres, groupés ensemble, au nombre de huit, ont des troncs énormes, dont les cavités suffiraient pour servir de cabane aux pâtres ou de cellules aux derviches. La première fois que nous visitâmes cette vallée, deux escadrons de cavalerie y étaient campés. Les officiers nous présentèrent le café, et ce qui nous offrait un rapprochement singulier, c’était de voir des Osmanlis nous faire ainsi les honneurs de l’arbre de Godefroi. Ces platanes, qui sont là comme un souvenir du passage de nos armées ou comme une ruine appartenant aux âges glorieux, étendent leurs ombres sur des générations qui vivent dans l’ignorance des temps passés. Le Musulman ou