Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 2.djvu/257

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ostentation dans leurs mausolées ; jamais, dans une cité musulmane, on n’éleva un monument à la bravoure, au génie, à la vertu, au patriotisme ; il faut bien que l’orgueil des Osmanlis s’en dédommage dans les cimetières : on ne peut confier ici son nom et sa renommée qu’à la pierre du sépulcre. Une pensée qui m’a souvent occupé, en parcourant les cimetières de ce pays, c’est que les passions et les faiblesses de l’homme s’y montrent quelquefois plus à découvert que dans la cité. On affecte de paraître sur un tombeau, on se cache partout ailleurs ; tandis que le triste niveau de l’égalité pèse sur toutes les têtes, les cercueils ont conservées des distinctions et des rangs ; singulière société où toutes les vanités de ce monde semblent s’être donné rendez-vous aux champs des morts !

Je me suis quelquefois fait expliquer les épitaphes gravées sur les tombeaux des Turcs, elles se ressemblent presque toutes : ce sont des sentences, des versets du Coran, c’est l’amitié qui exprime ses regrets, c’est un mort qui sollicite des prières. Il est cependant quelques-unes de ces inscriptions qui se distinguent par leur originalité et leur bizarrerie ; tantôt c’est le vent du trépas qui a soufflé dans la lanterne de la vie ; tantôt c’est l’ouragan meurtrier qui a soufflé au visage de la rose ; ici le marbre qui couvre la cendre d’un amiral, nous dit que le défunt a tourné son gouvernail vers l’éternité, que le vent du trépas a rompu le mât de