Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 2.djvu/282

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plus que des malheureux qui imploraient la miséricorde du vainqueur, et qui se pressaient les uns contre les autres comme la brebis en présence du loup qui vient d’entrer dans l’étable. Comment celui qui nous parlait de la sorte avait-il pu lui-même échapper à la flamme et au carnage ? Quatre mille janissaires étaient sortis par une porte latérale dont-il nous a montré l’emplacement ; il avait suivi la foule. La plupart des fugitifs s’étaient dispersés dans la ville ; d’autres, franchissant les remparts s’étaient répandus dans la campagne. « Je sortis, » nous a-t-il dit, avec quelques-uns de mes compagnons, par les brèches d’Egri-Capou ; après avoir erré plusieurs jours dans les forêts de Belgrade, je vins me cacher au faubourg de Péra. Quand le plus grand danger fut passé, je repris mon ancien métier, et je gagnai ma vie, comme à présent, en vendant des amusemens pour les petits garçons. » En prononçant ces mots, le janissaire a ouvert son panier, et j’ai pu m’assurer par mes propres yeux qu’il y avait, dans cette milice si redoutable aux sultans et à leurs visirs, des hommes dont le métier était de colporter des jouets d’enfans.

Qu’auriez-vous fait, lui ai-je dit, et que serait-il arrivé, si votre milice avait triomphé dans la journée du 16 juin ? Tout ce que j’ai pu comprendre à sa réponse, c’est qu’on aurait coupé des têtes de visirs et de pachas, au lieu de couper des têtes