Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 2.djvu/286

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aussi son tribunal dans l’hôtel du janissaire Aga, aujourd’hui l’hôtel du mouphti. C’est M Desgranges, premier drogman de l’ambassade française, qui m’a montré l’endroit où siégeait ce tribunal, non moins redoutable que le premier ; la justice du pacha se rendait dans un vestibule, situé entre les deux cours de l’hôtel. Les prisonniers étaient amenés à la file devant quelques officiers ; on leur demandait leur nom, le lieu de leur naissance, leur profession ; on ouvrait, ensuite un grand livre, où la conduite de chacun se trouvait notée exactement. Après ces courtes formalités, les uns recevaient leur liberté, les autres passaient dans la seconde cour pour y être étranglés. Cet étroit vestibule, placé ainsi entre les deux cours, c’est-à-dire entre la vie et le trépas, devait rappeler aux malheureux janissaires, ce pont si redouté, que tout Musulman traverse en sortant de ce monde, et que le Coran place sur les abimes de l’éternité. Tous ceux qu’on amenait dans la terrible enceinte, avaient sur leur visage la pâleur de la mort ; les malheureux s’inclinaient devant leurs juges qu’ils regardaient sans les voir, et leur baisaient machinalement le bas de la robe ; la crainte avait ôté à plusieurs l’usage de la voix. M. Desgranges était venu réclamer deux janissaires, arrêtés au palais de France ; il attendit pendant plusieurs heures dans le vestibule ; assis sur le même banc que les juges, il put voir à son aise la justice de cette époque. Hussein-Pacha ve-