Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 2.djvu/325

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l’entoure ; il ne se contente pas d’enlever aux un leurs trésors, aux autres leur puissance ; les pacifiques loisirs de la philosophie lui portent quelquefois ombrage, l’étude lui paraît suspecte et la science a l’air d’une trahison. Près du village d’Orta-Keuï, vivait un philosophe turc, d’une famille d’ulémas, nommé Chani-Zadé, qui a écrit plusieurs ouvrages sur la médecine et l’histoire naturelle ; tranquille dans son kiosque, il ne songeait qu’à étendre ses connaissances ; plusieurs langues d’Europe, entre autres la langue française lui étaient familières, et nos meilleurs ouvrages d’Occident charmaient sa solitude. Chani-Zadé aimait à cultiver les fleurs, à étudier les plantes ; son bonheur était de pouvoir placer un livre d’Europe dans sa bibliothèque ; une plante de nos pays dans son jardin. Mais l’intrigue et le mensonge, qui n’épargnent personne, vinrent troubler les jours du philosophe musulman ; les janissaires étaient tombés depuis peu sous les coups du sultan Mahmoud, et Chani-Zadé, accusé par des envieux d’avoir tenu des propos contre le gouvernement, fut exilé dans l’Asie-Mineure en 1827. L’héritier de son kiosque n’a pas la réputation d’un philosophe ni d’un savant ; c’est le secrétaire et le favori de Mahmoud, Moustapha-effendi, qui ne passe point ses journées à lire nos ouvrages d’Europe ni à faire de la botanique ; mais peut-être un jour la disgrâce le rendra sage, et, philosophe à son tour, il enviera le destin de ceux