Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 2.djvu/36

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pressifs pour déplorer le trépas de ceux que nous avons perdus ; qui ne connaît nos éloges académiques, nos oraisons funèbres, nos discours en prose et en vers, débités avec appareil devant un cercueil prêt à se fermer pour jamais ! Si j’avais à choisir entre notre rhétorique qui se met en deuil, notre éloquence qui pleure et qui s’admire, et de pauvres femmes qu’on paie pour faire retentir l’air de leurs cris, j’avoue que je serais quelquefois embarrassé.

Je ne puis déchiffrer dans mes notes le nom que les Turcs donnent au Rhodius ; ils ont une grande vénération pour ce fleuve, et leur superstition entoure son origine de mille traditions merveilleuses. Nous demandions à un Turc d’où vient le Rhodius. — Il vient de si loin que personne, n’a jamais pu savoir sa source. — On raconte dans le pays, et le peuple y ajoute une foi entière, qu’un homme partit autrefois à cheval des Dardanelles, pour aller chercher la source du Rhodius ; cet homme marcha quatre vingts ans sans découvrir l’origine du fleuve ; à la fin, son cheval fut changé en sel ; on ne dit pas si le voyageur revint à pied, et combien il mit de temps pour revenir. Ne croirait-on pas, d’après ces contes populaires, que le fleuve que nous voyons traverse des contrées inconnues, et qu’il en est de sa source comme de celle du Nil ? Il n’est pas néanmoins un habitant de ce pays qui ne pût s’assurer par lui-même de la