Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 2.djvu/361

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l’emphase serait aujourd’hui plus ridicule que jamais. Comme chaque sultan doit avoir un métier, il ne tiendrait qu’à Mahmoud de choisir celui de kiatih (écrivain), car ses courtisans nous disent des merveilles de son écriture, dont les points sont autant d’étoiles fixes, et qui mérite d’être suspendue à la voûte des cieux à côté des Gémeaux.

Je n’entamerai point ici le chapitre des mœurs privées ; si on répétait tout ce que débite la chronique scandaleuse, on aurait l’air de traduire certains passages de Pétrone ; mais comment, en pareil cas, s’assurer des faits ? La renommée nous parle d’esclaves qu’on a fait mourir seulement pour avoir vu. On accusé Mahmoud d’assister aux danses des courtisanes grecques, et d’y prendre plus de plaisir qu’il ne convient à un législateur. Je lui pardonne volontiers cette distraction, surtout si on exécute devant lui la danse de Flore si poétique, et la Romaïka célébrée par Homère. On ne doit pas cesser pour cela d’être le modèle des sultans, pas plus qu’on ne cesse à Paris d’être un grand roi ou un grand ministre, parce qu’on va quelquefois à l’Opéra. Mais vous savez que, lorsque le chef d’un état, lorsqu’un homme élevé par son rang ou par son génie, s’est annoncé au monde pour faire de grandes choses, on ne lui permet plus de se reposer ; sa vie est alors comme un drame joué à la face des nations, et dont chaque scène doit tendre au dénoûment.