Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 2.djvu/95

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Lampsaque nous n’ayons vu que de tristes figures où se peignent la défiance et le soupçon, des hommes que la présence d’un étranger importune, auxquels tout ce qui est nouveau déplaît, et qui se feraient pendre ou étrangler pour le vieux costume. Sur la côte d’Europe c’est tout le contraire. Plusieurs osmanlis ont quitté leur vieil accoutrement pour endosser le costume nouveau de la réforme. L’ancien fanatisme n’est pas éteint sans doute, mais il se montre moins. Quelques musulmans nous ont adressé des questions qui ne sentent point du tout la barbarie. On voit même parmi eux certains esprits forts qui ne ménagent plus rien, et ne gardent point de mesure, comme cela arrive dans un pays où quelque grande nouveauté s’accrédite.

Un effendi de fort bonne mine, et vêtu presque à la manière des Francs, est venu nous faire une visite : il voulait absolument que nous lui apprissions à lire le français. Il a fallu même nous prêter à lui donner une leçon. Le jeune osmanli était persuadé que notre langue le mènerait à tout, et ferait de lui un grand visir, ou tout au moins un pacha à trois queues. Tout en balbutiant avec peine quelques mots français, tels que chapeau, patrie, turban, liberté, il s’est mis à boire avec nous de l’eau-de-vie qu’on appelle raki ; il en a bu à si forte dose, qu’il s’est enivré tout-à-fait. Les habitués du café n’ont pas été trop scandalisés du spectacle, et