perplexité où cette dernière nuit m’a laissé. Je rêvais que je saluais notre
idole, et il m’a semblé qu’elle me menaçait en riant. Ne sachant à quoi m’en
tenir, je vous prie de vous en entendre avec elle-même et de m’en aviser
lorsque, dimanche, vous l’aurez revue.
(Arch. Buonarroti.
XXXI
Mon très honoré seigneur Michel-Ange,
Je vous prie de m’envoyer un peu le crucifix, quoiqu’il ne soit pas fini, parce que je voudrais le montrer à des gentilshommes du révérendissime cardinal de Mantoue. Si vous ne travaillez pas, aujourd’hui, vous pouvez venir me parler à votre aise.
Votre dévouée,
XXXII
Unique maître Michel-Ange et mon unique ami,
J’ai eu votre lettre et j’ai vu le Crucifix, lequel a certainement effacé de ma mémoire toute autre peinture que j’aie jamais vue. L’on ne saurait en voir de mieux faite, en image plus vive et plus achevée. Certes, ce n’est pas moi qui saurais expliquer combien elle est finement et merveilleusement exécutée. C’est pourquoi, j’ai résolu de n’en point avoir de faites par d’autres mains. Je patienterai donc jusqu’à ce que vous m’ayez assuré que celle-ci n’est faite par un autre que vous. Si cette œuvre est de vous, je ne veux d’autre manière la rendre ; mais dans le cas où elle ne (serait) pas de vous et que vous (voudriez) en faire faire une, faite d’après la vôtre, nous en causerons d’abord, parce que, comme je sais qu’il est difficile de vous imiter, je me résoudrai plutôt à ce que l’on fasse autre chose que ceci. Mais si ce Crucifix est de vous, habituez-vous à cette idée que je ne vous le rendrai jamais. Je l’ai bien regardé à la lumière, et sans verre, et avec le miroir. Je n’ai rien vu de plus parfait.
Je suis entièrement votre dévouée,
- ↑ La marquise de Pescara, Vittoria Colonna, veuve de Francesco d’Avalos.