XXXIII
Magnifique maître Michel-Ange,
Si grande est la renommée que vous donne votre vertu, que je n’aurais peut-être jamais cru avoir été mortelle pour un temps ni d’aucune manière, si dans votre cœur n’avait pénétré cette divine lumière qui nous a prouvé que la gloire terrestre, d’aussi longue durée qu’elle soit, n’en est pas moins soumise à la mort. De façon qu’en contemplant sur vos peintures la bonté de Celui qui vous a créé un maître unique, vous reconnaîtrez que, par mes écrits déjà presque morts, je remercie seulement le Seigneur, parce que je l’offense moins en les décrivant, vu que maintenant je ne le fais pas à loisir. Je vous prie de vouloir bien accepter cette mienne volonté, comme gage des œuvres futures.
Votre dévouée, | Marquise de Pescara.
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XXXIV
Magnifique messer Michel-Ange,
Je n’ai pas répondu encore à votre lettre parce que, peut-on dire, cette réponse se trouvait contenue dans celle de ma lettre précédente. Je pense que si, vous et moi, nous continuons à nous écrire selon mon obligation et votre courtoisie, il faudra bien que je renonce à la chapelle de Sainte-Catherine où je ne pourrai me trouver aux heures ordinaires, en compagnie de ces bonnes sœurs, et que vous laissiez aussi la chapelle de Saint-Paul où, du matin au soir, tout le jour, vous ne pourrez continuer avec vos peintures ce doux colloque qu’elles ne manquent pas de tenir avec vous, de leur accent naturel, comme font avec moi-même les vivants qui m’entourent. Ainsi nous manquerons tous deux, moi aux épouses du Christ, et vous à son Vicaire. Cependant, connaissant votre stable amitié et le lien chrétien de notre affection très sûre, je ne prétends pas, avec mes lettres, donner aux vôtres une raison d’être, mais plutôt donner à mon esprit ainsi préparé une occasion raisonnable de vous servir. Je prie ce même Dieu dont vous m’avez parlé d’un cœur si ardent et si humble, à mon départ de Rome, que je vous y retrouve au retour avec son image aussi vivement renouvelée par vo re foi dans votre âme, que vous l’avez peinte dans ma Samaritaine. Je me recommande toujours à vous et à votre Urbino.
Du monastère de Viterbe, le 20 juillet.
Sogliani, 1866. Trad. Sturdza.)