XLVIII
J’ai bien reçu votre petit livre, et, quelle que soit mon ignorance, je répondrai quelques lignes à ce que vous me demandez. Je dis que la peinture me semble pouvoir être retenue d’autant meilleure qu’elle accentue davantage le relief ; et le relief d’autant plus mauvais, qu’il accentue davantage la peinture. Cependant il me semblait que la sculpture pût servir de flambeau à la peinture, et qu’entre l’une et l’autre il y avait la différence qui existe entre le soleil et la lune. Mais que penser, à présent que j’ai lu votre livre où vous dites que, philosophiquement parlant, les choses qui ont une même fin (ont un même principe) sont une même chose ? S’il en était ainsi, chaque peintre ne devrait pas moins sculpter que peindre, ni chaque sculpteur moins peindre que sculpter ; car j’entends par sculpture ce qui se fait en relief, et par peinture ce qui se fait en surface. Il suffit donc que la sculpture et la peinture soient produites toutes les deux par une même intelligence, pour qu’il soit possible de faire la paix entre elles et renoncer à toute discussion ; car on y dépense plus de temps qu’à faire des figures. Celui qui a écrit que la peinture est plus noble que la sculpture, aurait mieux fait, à mon avis, — s’il n’a pas mieux raisonné sur le reste, — d’en charger sa servante à sa place. Sur une telle question, il y aurait à dire infiniment de choses qui n’ont pas été dites encore ; mais il y faudrait trop de temps, et je n’en ai plus assez, étant non seulement un vieux, mais presque du nombre des morts.
(Arch. Buonarroti.)
XLIX
J’ai reçu par messer Bartolomeo Bettini votre lettre et un petit livre [2] commentant un sonnet de ma main. Le sonnet vient bien de moi, mais le commentaire vient du ciel. C’est vraiment une chose admirable. Je ne dis pas selon moi, mais selon des hommes de valeur, et surtout messer Donato Giannotti [3], qui ne se lasse pas de le lire et qui se recommande à vous. Je sais
- ↑ Membre de l’Académie de Florence, qui avait commenté, en une de ses plus éloquentes leçons, le sonnet de Michel-Ange : Non ha l’ottimo artista. Il fut chargé par la même Académie de prononcer l’éloge funèbre aux obsèques de Michel-Ange.
- ↑ Le commentaire de Varchi sur le sonnet de Michel-Ange : Non ha l’ottimo artista…
- ↑ Donato Giannotti, un des plus nobles exilés de Florence, à la chute des Médicis. Il acheva son exil à Rome, où Paul III lui confia la charge de secrétaire des Brefs. Grand ami de Michel-Ange, il composa en la compagnie du maître les deux Dialogues sur Dante, dont on connaît la profonde philosophie.