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MICHEL-ANGE.


LXXX

Daniel de Volterre à Georges Vasari.
Rome, le 17 mars 1564.0000

0000Magnifique et très cher seigneur,

J’ai reçu votre lettre qui m’est très chère, alors que je me trouve si éprouvé et privé, à la fois, de conseil et de consolation. Certes, j’avais à plaindre la mort d’un tel maître et père ; mais la blessure en est d’autant plus vive qu’elle est plus imprévue.

Vous voulez que je vous avise des œuvres qu’il a laissées. Combien vous fîtes mal de ne pas accepter ce Christ disant adieu à sa Mère, quand il voulut vous le donner ! Car il n’a guère plus rien fait d’autre, à ma connaissance, et vous comprendrez pourquoi. Quand il tomba malade, — et ce fut le lundi du carnaval, — il m’envoya chercher, comme il faisait chaque fois qu’il se sentait mal ; et j’en avisai messer Frédéric de Carpi (le médecin Donati), qui vint aussitôt, feignant une visite de hasard. Ainsi je fis. Quand il me vit entrer, le malade me dit : « Mon cher Daniel, je me sens brisé. Je me recommande à toi. Ne m’abandonne pas. » Il me fit alors écrire une lettre au sieur Léonard pour qu’il vînt, et il me dit que j’aurais à attendre l’arrivée de son neveu à la maison, d’où, pour aucun motif, je n’aurais à m’éloigner. Ainsi fis-je, encore que je me sentisse plus mal que bien. Mais assez de moi. Son mal dura cinq jours ; il en passa deux levé, devant son feu, et trois au lit. Le soir du vendredi, il expira dans la paix qu’on peut croire.

Le samedi matin, comme nous mettions ordre à la maison et au reste, le juge vint avec un notaire du gouverneur, de la part du pape, qui voulait un inventaire de ce qu’il y avait céans. Nous ne pûmes nous y opposer, et ainsi tout fut écrit. Il s’y trouva quatre fragments de carton. Dans ce nombre figure le Christ et sa Mère ; et un autre dessin que peignait Ascanio (Condivi) si vous vous le rappelez ; et puis, un Apôtre que le maître dessinait pour l’exécuter en marbre à San-Pietro ; enfin une Pietà qu’il avait commencée et où l’on ne distingue bien que la pose des figures, tant sommaire en est l’ébauche. En résumé, le carton du Christ est le meilleur. Mais tous sont allés en tel endroit où il sera bien difficile de les revoir, je n’ose dire de les reavoir, encore que j’aie fait observer au cardinal Morone que ce carton (du Christ) fut commencé dans la chambre du maître ; je lui ai même offert de lui en faire une copie, s’il peut l’y faire revenir.

Certains autres dessins de l’Annonciation et du Christ priant au Jardin des Oliviers, il les avait donnés, si vous vous en souvenez, à Jacopo, son ami et le compagnon de Michel ; mais le neveu les leur enlèvera pour donner au duc (de Florence) quelque chose. On a aussi trouvé, commencées, trois statues de marbre : un saint Pierre en vêtements pontificaux (lacune), un Christ mort dans les bras de Notre-Dame, et un Christ tenant sa croix, dans le genre de celui de la Minerve, mais petit et différent de celui-ci. On n’a pas trouvé d’autres dessins.

Le neveu est arrivé, trois jours après la mort (de son oncle), et il a aussitôt