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MICHEL-ANGE.

si courtoise et pleine d’affection pour vos amis et ceux de Michel-Ange, m’a fait porter à la maison la lettre annonçant la mort et les honneurs rendus au défunt, déposé aux Saints-Apôtres, jusqu’à ce qu’il soit ramené à Florence. C’est ce qui, en une telle perte et tristesse de notre cité, a ranimé et fortifié les esprits amateurs de vertus. Ainsi, n’ayant pu nous réjouir de le posséder vivant, nous pensons que, mort, il fera, de son souvenir, l’ornement de sa patrie où sa noble et désormais illustre maison conservera la gloire de ses rares vertus.

Je vous dirai aussi que notre Illsime prince tient à cœur — comme S. E. I. nous en a écrit de Pise — que la dépouille funèbre vienne à Florence, ou, pour mieux dire, les ossements. Aussi, il ne me semble pas hors de propos, cher messer Léonard, si votre retour doit tarder encore, de vous exhorter à écrire à S. E. I. une lettre où, après avoir déploré la perte que cette mort a causée à la ville et au duc, vous exprimerez votre regret que le défunt n’ait laissé ni dessins, ni cartons, ni modèles, comme je l’ai appris par votre lettre, car vous aviez formé le projet de lui en faire part. Vous ajouterez que, puisque le maître s’en est allé en ne laissant que vous, en toute foi et servitude vous resterez le même que fut votre oncle, et enfin, puisqu’il n’y a que ce qu’il a laissé de lui, rue Mozza, que le duc en pourra disposer à son gré. Vous terminerez en le priant de vous assurer, pendant votre vie, la même protection dont avait joui Michel-Ange, avant de passer de vie à trépas. Ainsi rédigée en peu de mots, cette lettre, je le sais, lui plaira beaucoup. Si vous me l’envoyez, je l’accompagnerai d’une autre de moi, et je ferai pour vous ce que vous savez que j’ai toujours fait ; parce que l’amour que je portais à deux, c’est-à-dire à vous et à Michel-Ange, redouble aujourd’hui et s’accroît en votre intention.

Il me reste à vous dire qu’ici notre Académie du Dessin a ordonné, pour après Pâques, de faire à Michel-Ange les plus honorables funérailles, avec apparat de statues et d’ornements de circonstance. Elle a demandé l’oraison funèbre au Varchi, par ordre de S. E. président de l’Académie. Quatre ordonnateurs ont été désignés avec autorisation de commander tout ce qui concerne l’art, tant en travaux qu’en dépenses. Les deux premiers sont les sculpteurs Benvenuto (Cellini) et l’Ammannato ; les deux autres sont les peintres Bronzino et votre serviteur Georges Vasari. Chacun s’efforcera de vous faire honneur, à vous ; car, d’honneurs, Michel-Ange les a tous emportés avec lui.

Il me sera bien cher de savoir quelque chose de vous et de recevoir en notes, sous forme de souvenirs, quelques faits particuliers, de 1550 à ce jour, tant sur la construction (du dôme) de Saint-Pierre que sur les actes de votre oncle. Je vais, dans trois mois, faire une réédition de mes Vies des Peintres et Sculpteurs, et je voudrais y faire honneur aux dernières années qu’a vécues Michel-Ange. Ne manquez pas de vous réserver les sonnets, canzones et autres poésies composées par lui, comme aussi les lettres des princes et grands hommes, qui serviront à le mieux honorer.

Tout ceci pour avis. Si votre faveur veut m’accorder quelque chose qui ait appartenu au défunt et qui, me tenant à cœur, me rappellera mieux sa mémoire et votre affectueuse estime, ce souvenir me sera plus cher qu’une cité entière. Et pour ne pas m’étendre davantage, je m’arrête sur cette finale en