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Page:Michel-Ange - L’Œuvre littéraire, trad. d’Agen, 1911.djvu/164

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MICHEL-ANGE.

Je vous avise que mon frère Léonard [1] s’en est revenu à Rome, disant qu’il avait dû fuir de Viterbe où on lui avait pris sa cape. Voulant s’en retourner à Florence, il m’a demandé pour le voyage un ducat d’or que je lui ai donné. Je pense qu’il doit être arrivé.

Je ne sais que vous dire de plus, étant hésitant et ne sachant encore comment ira cette affaire. Mais j’espère être bientôt auprès de vous. Bien portant. J’espère que vous l’êtes aussi. Recommandez-moi aux amis.

Michelagniolo, sculpteur, à Rome.0000

0000(Arch. Buonarroti.)



II

Au même.
Rome, 19 août 1500.0000

… Quand vous serez fixé sur la somme à remettre, mandez-le-moi, et je vous enverrai cet argent, si vous ne l’avez pas. Encore que j’en aie peu, comme je vous l’ai dit, je m’ingénierai à m’en procurer pour vous éviter d’aller emprunter au Mont (de Piété), comme m’a dit Buonarroti. Ne vous étonnez pas, si je vous ai quelquefois écrit trop vivement. C’est que j’éprouve, à mes heures, grande passion pour bien des raisons qui affectent ceux qui sont loin de leur foyer. J’avais mis en projet de faire un portrait de Pierre de Médicis, et j’avais même acheté le marbre ; mais je ne l’ai pas même commencé, parce que ce dernier n’a pas fait pour moi ce qu’il m’avait promis. Aussi bien, je reste chez moi et je taille une figure à ma fantaisie. J’avais, pour la faire, acheté cent ducats (60 fr.) un morceau de marbre qui ne s’est pas trouvé bon. Après avoir jeté cet argent en pure perte, j’ai acheté un autre bloc pour cinq autres ducats et j’y travaille, à mon plaisir. Aussi devez-vous bien penser que je dépense, moi aussi, et que je me fatigue. Mais ce que vous me demanderez, je vous l’enverrai, devrais-je me vendre comme esclave…


  1. Léonard Buonarroti, frère aîné de Michel-Ange son cadet, et l’un des cinq fils de Ludovic Buonarroti, naquit le 16 novembre 1473. Auditeur assidu des sermons de Fra Savonarole, il fut tellement épris des doctrines du moine, qu’il se décida à le suivre au cloître. Envoyé à Pise, dans le couvent de Sainte-Catherine, il y reçut l’habit dominicain des mains du prieur Fra Tommaso Busini, le 4 juillet 1491, comme l’attestent les registres de ce couvent. Il fit sa profession solennelle entre les mains de Fra Ludovico Calabro, quatre jours après l’année révolue depuis sa prise d’habit. On n’en sait guère autre chose. Habituellement malade, il fut, en 1494, à Pise, si gravement atteint que son frère alla le voir. Il se rétablit pourtant, et les papiers de famille permettent d’établir qu’après avoir séjourné quelque temps à Viterbe, il alla à Rome en 1497 et que, durant ce voyage, il fut attaqué et dépouillé de ses vêtements, — comme en fait foi cette première lettre que Michel-Ange, alors à Rome aussi, écrivit à son père. En 1510, il était de retour à Florence, au couvent de Saint-Marc, et en danger de mort. Il faut même croire qu’il mourut vers cette époque, mais il n’est pas certain qu’il décédât à Florence. (Vid. Gotti, loco cit.)