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INTRODUCTION

encore là-bas, sur le port, par la suite d’un changement de volonté du pape. Mais le marquis de Carrare, croyant que Michel-Ange, à titre de citoyen florentin, avait pris sur lui de faire extraire les marbres de Pietra-Santa, devint son ennemi et lui fit défense de retourner à Carrare pour y prendre certains autres marbres qu’il y avait extraits. Ce fait lui porta grand dommage.

XL. — De retour à Florence et ayant trouvé là, comme nous l’avons déjà dit, l’ardeur du pape Léon tout à fait éteinte, Michel-Ange, n’ayant rien à faire, s’y attarda longtemps, à son grand déplaisir de perdre tant de temps à commencer un jour une chose qu’il faudrait abandonner le lendemain. Néanmoins, avec certains marbres qu’il avait, il se mit, chez lui, à continuer le tombeau du pape Jules. Mais à la mort du pape Léon, à qui Adrien succéda, il fut une autre fois contraint de suspendre cette œuvre. Les exécuteurs testamentaires l’accusaient d’avoir reçu de Jules, pour ce tombeau, seize mille écus au moins et de ne plus s’en occuper, étant ainsi à Florence pour ses plaisirs. Appelé à Rome pour se justifier de ce chef, il fut empêché de s’y rendre par le cardinal de Médicis, qui fut plus tard Clément VII et qui avait alors le gouvernement de Florence. Pour lui donner à la fois une occupation et une excuse, celui-ci lui commanda la Bibliothèque des Médicis à Saint-Laurent et la Sacristie de cette même église avec les tombeaux de ses pères, en lui promettant de donner à sa place satisfaction au pape et d’arranger les affaires. Quelques mois après, le pape Adrien mourut, et, Clément lui ayant succédé, on ne parla plus, pour un temps, de la sépulture de Jules. Michel-Ange fut cependant avisé que le duc d’Urbin, François-Marie, neveu de l’heureuse mémoire du pape Jules, se plaignait grandement de lui et ajoutait même des menaces. Il vint alors à Rome et exposa son cas au pape Clément, qui lui conseilla de faire appeler les agents du duc et de faire compte avec eux de tout ce qu’il avait reçu de Jules et de tout ce qu’il avait fait pour lui ; car il savait que Michel-Ange, après vérification de ces comptes, resterait plutôt créditeur que débiteur. Ces désagréments donnèrent peu de goût à Michel-Ange de séjourner à Rome, et il s’en retourna à Florence sans se douter de la ruine qui allait, à quelque temps de là, désoler Rome [1].

XLI. — Sur ces entrefaites, la maison des Médicis fut chassée de Florence par ses adversaires, pour y avoir pris plus d’autorité que n’en tolère une ville libre et qui se régit en république. La Signoria, ne doutant pas que le pape essayerait par tous les moyens de rétablir sa famille à Florence, se résolut à fortifier la cité. À cet effet, elle nomma Michel-Ange commissaire général. Ainsi préposé à une telle entreprise, il pourvut, çà et là, dans toute la ville, à bien des constructions préventives et entoura de bonnes fortifications le mont de San-Miniato qui domine Florence et commande à tout le pays. Si l’ennemi s’était emparé de ce mont, nul doute qu’il n’eût conquis aussi la ville. Cette prévision fut pour le salut de Florence et pour le plus grand dommage de l’ennemi qui s’en trouva fortement molesté, parce que ce point était élevé comme je l’ai déjà dit, surtout le campanile de l’église, où étaient posées deux pièces d’artillerie qui portaient, sans cesse, grand

  1. Le siège de Rome arriva en 1527.