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MICHEL-ANGE.

allés faire notre visite au cardinal de Saint-Georges [1], à qui j’ai présenté votre lettre. Il a paru me voir avec plaisir, et il a voulu que j’allasse incontinent examiner certaines figures, ce qui m’a pris tout le jour et m’a empêché de porter vos autres lettres. Dimanche, le cardinal est venu dans la nouvelle maison et m’a fait appeler pour m’interroger sur ce que je pensais des figures que j’avais vues. Je lui en dis mon sentiment, et en vérité il me semble que ce sont de très belles figures. Ensuite, le cardinal m’a demandé si je me sentais le courage d’entreprendre quelque chose de beau. Je répondis que je n’avais pas d’aussi grandes prétentions, mais qu’il verrait bien ce que je ferais. Nous avons acheté un bloc de marbre pour une figure de proportions naturelles, et, lundi prochain, je commencerai à travailler. Depuis lundi passé, j’ai remis vos autres lettres à Paolo Rucellai, qui m’a offert l’argent dont j’aurais besoin, et aux Cavalcanti. Ensuite, j’ai donné votre lettre à Baldassare (del Milanese) et je lui ai demandé de me rendre le bambin (le Cupidon), lui disant que je lui rendrais à mon tour son argent (les 30 ducats). Il m’a répondu, avec beaucoup d’aigreur, qu’il briserait plutôt ce marbre en cent morceaux ; qu’il l’avait acheté, qu’il le tenait pour sien et qu’il possédait des papiers prouvant qu’il avait satisfait ceux qui le lui avaient envoyé ; que certainement il n’avait pas à le rendre. Et là-dessus, il s’est beaucoup plaint de vous, disant que vous aviez mal parlé de lui. Je sortis et je priai quelques-uns de nos Florentins de s’interposer pour nous mettre d’accord. Mais ils n’en ont rien fait. Maintenant, je compte agir par la voie du cardinal, ainsi que me le conseille Baldassare Balducci. Je vous tiendrai au courant de ce qui suivra. Rien de plus sur ce sujet. Je me recommande à vous. Que Dieu vous garde [2].

Michel-Agnollo.0000

(Arch. di Stato di Florence.)


II

Allocation à Michel-Ange du groupe de la « Pietà » à Rome.

Rome, 17 août 1498.0000

Qu’il soit connu et manifeste à qui lira le présent écrit comment le Révssime cardinal de Saint-Denis [3] a convenu avec le maître Michel-Ange, statuaire florentin, que ledit maître ait à faire une Pietà de marbre à ses dépens, à savoir une Vierge Marie vêtue, avec le Christ mort dans ses bras, grande au juste de la taille humaine, pour le prix de 450 ducats d’or en or papal, au terme d’un an à dater du commencement de l’œuvre Et ledit Révssime cardinal promet de lui faire le payement de la manière suivante, à

  1. Le cardinal Riano Raffaello, du titre de Saint-Georges, qui avait acheté une première œuvre de Michel-Ange, comme œuvre d’un antique.
  2. La lettre porte l’adresse de Sandro Botticello in Frinze, chargé de la remettre par précaution à son destinataire.
  3. Jean de la Groslaye de Villers, abbé de Saint-Denis et alors ambassadeur de Charles VIII à Rome. Cette Pietà devait être placée à Saint-Pierre, dans la chapelle des rois de France, dédiée à sainte Pétronille.