Page:Michel - Contes et légendes.djvu/37

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

amie de maman que nous n’avons pas trouvée chez elle, et nous rentrons à la maison.

— Oui, ajouta le petit avec cette confiance naïve de l’enfance, nous allions chez madame Paul, afin qu’elle nous donne un peu d’ouvrage pour maman et avoir de quoi acheter du pain. »

Et comme l’aîné le regardait de travers pour faire cesser son bavardage, la dernière petite pièce de dix sous était dans la main du petit, et Marthe avec sa tante se sauvaient pour que l’aîné ne la leur rendit pas.

Quand elles furent loin, Marthe se mit à pleurer. « Ô ma tante ! dit-elle, combien je regrette d’avoir acheté tant de joujoux ! nous aurions pu donner bien davantage à ces pauvres enfants ! »

Dix ans après, Marthe, jeune fille de seize ans, reçue institutrice depuis quelques mois, avait fait de la vie un rude apprentissage dont elle était loin de se douter autrefois.

Ses parents n’avaient pas réussi dans leur commerce et, faute d’une petite somme de cinq à six cents francs, on pouvait leur faire une mauvaise affaire.

Marthe venait d’entrer comme sous-maîtresse dans un externat. Elle devait gagner huit cents francs au bout de l’année ; mais n’étant payée que par mois, il lui était impossible d’offrir tout de suite la somme due par son père pour des marchandises non encore vendues.

S’il ne payait pas à l’échéance, son billet serait protesté.

S’il rendait les marchandises, ne pouvant payer, il lui fallait fermer son magasin.