Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/110

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va, disait-on, donner l’ordre de tirer sur la foule. Pourtant on essayait de franchir la grille derrière laquelle grossièrement, des officiers insultaient.

— Vous ne savez pas ce qui vous attend en vous opposant à la volonté du peuple, dit aux insulteurs le vieux Mabile, l’un des tirailleurs de Flourens.

— Je m’en fous ! répondit l’officier qui venait de lancer des invectives, et il braqua son revolver sur le voisin de Mabile qui de son côté s’avança sur lui.

Quelques instants après l’entrée de Chaudey dans l’intérieur, il y eut comme un coup de pommeau frappé derrière une des portes, puis un coup de feu partit isolé.

Moins d’une seconde après, une fusillade compacte balayait la place.

Les balles faisaient le bruit de grêle des orages d’été.

Ceux qui étaient armés répondirent ; froidement, sans arrêter, les Bretons tiraient, leurs balles entraient dans la chair vive, les passants, les curieux, hommes, femmes, enfants, tombaient autour de nous.

Certains gardes nationaux avouèrent depuis avoir tiré non sur ceux qui nous canardaient, mais sur les murs où en effet fut marquée la trace de leurs balles.

Je ne fus pas de ceux-là ; si on agissait ainsi, ce serait l’éternelle défaite avec ses entassements de morts et ses longues misères, et même la trahison.

Debout devant les fenêtres maudites, je ne pouvais détacher mes yeux de ces pâles faces de sauvages, qui sans émotion, d’une action machinale, tiraient sur nous comme ils eussent fait sur des bandes de loups et je songeais : Nous vous aurons un jour, brigands, car vous tuez, mais vous croyez ; on vous trompe, on ne vous achète pas, il nous faut ceux qui ne se vendent jamais, et les récits du vieux grand-père passèrent devant mes yeux, de ce temps où héros contre héros, implacablement combattaient, les paysans de Charette