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Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/117

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massif de l’Auvergne qui oblige l’ennemi à partager ses efforts entre Lyon et Bordeaux, un échec des Prussiens sur l’une de ces deux lignes les dégage toutes deux.

» Au contraire la résistance a souvent des chances heureuses, rappelez-vous la bataille de Cannes ; la conquête de la Hollande par Louis XIV à la tête de quatre armées, les plus puissantes de l’Europe, commandées par Turenne et Condé ; l’envahissement de l’Espagne par Napoléon en 1808. Voilà trois situations qui étaient de beaucoup plus désespérées, plus accablantes, qui laissaient bien moins de chances à une issue honorable que notre situation après la prise de Paris.

» Cependant toutes trois ont été heureuses, et ce n’est pas un effet du hasard mais peut-être l’effet d’une loi constante dont un des caractères les plus nets est le dépérissement des années victorieuses.

» Une armée qui fait une guerre active se détruit lors même qu’elle a toutes facilités de se recruter, les recrues qu’elle reçoit maintiennent sa force numérique, mais ne remplacent pas les vieux soldats ni les officiers qu’elle a perdus.

» C’est par le défaut d’officiers qu’a péri l’armée de Napoléon, il en est de même de l’armée d’Annibal, il en sera de même de l’armée prussienne et plus promptement encore sans compter que la mort de M. de Bismarck ou de M. de Moltke peut tout emporter.

» La mort de Pyrrhus vainqueur n’est pas un paradoxe ; il vient souvent un moment pour les conquérants où le désastre est tout entier en germe dans une victoire : ce moment c’est Cannes ou la Moskowa. — Pourquoi les Prussiens n’auraient-ils pas la même aventure ?

» Il ne s’agit que d’attendre le moment de les user, les lasser, non leur faire trouver Capoue dans nos villes, mais ne jamais faire marché avec eux pour notre rançon.