Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/191

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des nationaux qui se trouvaient là, et il se mit à marcher sur le bord de la rivière.

» Je lui fis observer qu’en ma double qualité d’ami intime et de chef d’état-major de la colonne, je ne pouvais ni ne devais l’abandonner dans un endroit qui allait être envahi par l’armée de Versailles, que j’étais bien décidé à ne pas le quitter et que je resterais ou partirais avec lui.

» Fatigué, il s’étendit sur l’herbe et s’endormit profondément.

» Assis à côté de lui, je voyais au loin les cavaliers de Versailles caracolant dans la plaine et s’avançant vers Chatou.

» Il était de mon devoir de tout tenter pour sauver l’ami et le chef aimé de la foule.

» Je l’éveillai et le priai de ne pas rester là où il serait fait prisonnier comme un enfant :

» — Votre place n’est pas ici, lui dis-je, c’est à la tête de votre colonne ; si vous êtes fatigué de la vie, faites-vous tuer demain matin dans la bataille que nous engagerons à la tête des hommes qui vous ont suivi jusqu’ici par sympathie, par amour.

» Vous ne voulez pas vous retirer, dites-vous, la désertion est pire qu’une simple retraite ; en rentrant ici, vous désertez, vous faites pire ! Vous trahissez la Révolution qui attend tout de vous.

» Il se leva, me donna le bras : — Allons, dit-il. S’en aller, c’était facile à dire, presque impossible à faire sans être vus et guettés par l’armée de Versailles qui cernait presque le village où nous étions.

» Il était indispensable de nous cacher et d’attendre la tombée de la nuit pour rejoindre nos troupes à Nanterre.

» En arrivant sur le quai de Chatou, nous entrâmes dans une petite maisonnette, une sorte de cabaret bordé par un terrain vague, qui portait le no 21. Nous