Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/201

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

venions dans la tranchée, il me dit en me rencontrant :

— Quel effet vous fait la vie que nous menons ?

— Mais, dis-je, l’effet de voir devant nous une rive à laquelle il faut atteindre.

— Moi, reprit-il, ça me fait l’effet de lire un livre avec des images.

Nous continuâmes à parcourir la tranchée dans le silence des Versaillais sur Clamart.

Quand Lisbonne vint le matin amenant du monde, il fut à la fois content et furieux, secouant ses cheveux sous les balles qui recommençaient à siffler ainsi qu’il eut chassé des mouches importunes.

Il y eut à Clamart une escarmouche de nuit dans le cimetière, à travers les tombes éclairées tout à coup d’une lueur, puis retombant sous la seule clarté de la lune qui faisait voir, tout blancs, pareils à des fantômes, les monuments derrière lesquels partait le rapide éclair des fusils.

Une expédition, de nuit aussi, avec Berceau, de ce même côté ; ceux qui nous avaient quittés d’abord, revenant nous joindre sous le feu de Versailles, avec mille fois plus de danger.

Je revois tout cela comme en un songe dans le pays du rêve, du rêve de la liberté.

Un étudiant, nullement de nos idées, mais bien moins encore du côté de Versailles, était venu à Clamart faire le coup de feu, surtout pour vérifier ses calculs sur les probabilités.

Il avait apporté un volume de Baudelaire dont nous lisions quelques pages quand on avait le temps.

Un jour que plusieurs fédérés, de suite, avaient été frappés d’un obus à la même place, une petite plateforme au milieu d’une tranchée, il voulut vérifier doucement ses calculs, et m’invita à prendre avec lui une tasse de café.

Nous nous établissons commodément et tout en lisant