Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/275

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J’étais à la barricade qui barrait l’entrée de la chaussée Clignancourt, devant le delta ; là, Blanche Lefebvre vint me voir.

Je pus lui offrir une tasse de café, en faisant ouvrir d’un ton menaçant, le café qui était près de la barricade. Le bonhomme fut effrayé ; mais comme il nous vit rire, il s’exécuta assez poliment, et on le laissa refermer puisqu’il avait si peur.

Blanche et moi nous nous embrassâmes, et elle retourna à sa barricade.

Un peu après passa Dombwroski à cheval avec ses officiers.

— Nous sommes perdus, me dit-il, — Non ! lui dis-je ; il me tendit les deux mains : c’est la dernière fois que je l’ai vu vivant.

C’est à quelques pas de là qu’il fut blessé mortellement, nous étions encore sept à la barricade, quand il passa de nouveau cette fois, couché sur une civière presque mort, on le portait à Lariboissière où il mourut.

Bientôt, des sept, nous n’étions plus que trois.

Un capitaine de fédérés, grand brun, impassible devant le désastre, il me parlait de son fils, un enfant de douze ans à qui il voulait laisser son sabre en souvenir. — Vous le lui donnerez, disait-il, comme s’il eut été probable que quelqu’un survécût.

Nous nous étions espacés tenant à nous trois toute la barricade, moi au milieu, eux de chaque côté.

Mon autre camarade était trapu, les épaules carrées, il avait les cheveux blonds et les yeux bleus ; il ressemblait beaucoup à Poulouin, l’oncle de madame Eudes, mais ce n’était pas lui.

Ce Breton-là encore, n’était plus de ceux de Charette, il mettait à sa foi nouvelle la même ardeur que sans doute il avait mise à l’ancienne quand il y croyait.

Il y avait dans cette face pâle le même sourire de sauvage, qu’avait le noir d’Issy aux dents blanches