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Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/314

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nous disaient : la terreur est plus forte que jamais. Il y avait tant de morts dans les prisons qu’on avait craint trop de nouveaux cadavres.

La nuit au-dessus de cette morgue que faisaient nos corps, voletaient au vent qui glissait de tous côtés, les châles ou autres guenilles suspendues à des ficelles au-dessus de nos têtes et qui, aux lueurs fumeuses des lampes, placées aux deux extrémités de la pièce, près des factionnaires, prenaient des envolements d’ailes d’oiseaux.

Ces haillons qu’on quittait pour dormir de peur de les abîmer davantage, étaient les seuls habillements qu’on pût avoir. Impossible aussi bien d’en mettre d’autres, en eût-on eus ; il était également impossible d’en changer devant les soldats allant et venant, appelant les misérables que, malgré nos récriminations, on laissait toujours avec nous.

On ne dormait guère, grâce à la vermine qui s’était mise de la partie, mais cette morgue prenait à l’aube des effets de moissons. Les épis écrasés et vides des maigres bottes de paille, se doraient brillant comme un champ d’astres.

Quand même, on causait, on riait, ayant par les nouvelles arrivantes des nouvelles des siens.

Par les rares qui sortaient en non-lieu, on pouvait faire faire quelques commissions ; j’avais pu faire dire à ma mère que je me portais parfaitement et que j’étais très bien, mais elle se renseigna ailleurs, ne me croyant plus.

Sur le plancher serpentaient de petits filets argentés, formant des courants entre de véritables lacs, grands comme des fourmilières et remplis comme les ruisselets d’un fourmillement nacré.

C’étaient des poux ! énormes, au dos hérissé et un peu bombé, quelque chose de pareil à des sangliers qui auraient eu la taille d’une toute petite mouche ; il