Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/348

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avec d’autres, les enfants perdus, les éclaireurs, les artilleurs de Montmartre, tantôt à la gare de Clamart, à Montrouge, au fort d’Issy, dans les Hautes-Bruyères, à Neuilly. — Si les juges ne se trompaient pas, ce ne serait pas la peine qu’ils fissent de si longues instructions : ceux-là du reste reconnaissaient que j’avais de toutes mes forces et de tout mon cœur servi la Commune, ce qui était vrai. — J’ai vu depuis, pire que les juges du conseil de guerre.

» Continuons le journal.

» Tel est en résumé le rôle que l’accusée a joué, rôle qu’elle va à l’audience accentuer en lui donnant un cachet tout particulier d’énergie et de virilité.

» Louise Michel est amenée par des gardes. C’est une femme âgée de trente-six ans, d’une taille au dessus de la moyenne.

Elle porte des vêtements noirs ; un voile dérobe ses traits à la curiosité du public fort nombreux ; sa démarche est simple et assurée, sa figure ne recèle aucune exaltation.

» Son front est développé et fuyant ; son nez, large à la base, lui donne un air peu intelligent ; ses cheveux sont bruns et abondants.

» Ce qu’elle a de plus remarquable, ce sont ses grands yeux d’une fixité presque fascinatrice. Elle regarde ses juges avec calme et assurance, en tout cas avec une impassibilité qui déjoue et désappointe l’esprit d’observation, cherchant à scruter les sentiments du cœur humain.

» Sur ce front impassible on ne découvre rien, sinon la résolution de braver froidement la justice militaire, devant laquelle elle est appelée à rendre compte de sa conduite ; son maintien est simple et modeste, calme et sans ostentation.

» Pendant la lecture du rapport, l’accusée qui écoute attentivement, relève son voile de deuil qu’elle rejette