Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/41

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» D’où venait donc ce revirement subit ? Il est facile de le deviner. Le prince Pierre ne s’était que momentanément drapé dans sa dignité de proscrit ; il avait eu assez de brouet noir et, avec un grand bon sens, avait pensé que le procédé le plus sûr pour se raccommoder avec son cousin était de le débarrasser de moi.

» Mais j’étais jeune et leste, je tirais sinon bien, au moins assez dangereusement l’épée. Il était lui-même tort épaissi, souffrant de la goutte, et si je l’avais « mouché », comme on dit, c’eût été, comme on dit encore, un sale coup pour la fanfare bonapartiste.

» Le fait est, — et c’est là pour sa mémoire le point grave de l’aventure — qu’après m’avoir adressé directement la plus violente des provocations, il n’avait pas même constitué ses témoins. Donc, ce qu’il attendait à son domicile, où il m’appelait, ce n’étaient pas les miens, c’était moi-même.

» C’est seulement plus tard, en relisant sa lettre après l’assassinat de Noir, que je compris tout ce qu’elle dissimulait de perfidie ; mais, au premier moment, je n’y vis qu’une bordée d’injures et je demandais à Millière et Arthur Arnould, mes deux collaborateurs, d’aller s’aboucher avec lui pour une rencontre immédiate.

» J’aurais compris que M. Ernest Lavigne, auteur et signataire de la lettre que je ne connaissais même pas, prétendit se substituer à moi, ce que je lui aurais d’ailleurs refusé ; mais je me suis souvent demandé à quelle obsession a obéi notre collaborateur Paschal Grousset, en adressant à son tour ses témoins au Prince Pierre Bonaparte qui ne l’avait pas nommé et n’avait aucune raison de s’occuper de lui.

» C’était, paraît-il, comme correspondant du journal corse la Revanche mis en cause par le cousin de l’Empereur que Paschal Grousset avait pris sur lui de ris-