Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/420

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nous coucher un peu, chacun sur un brin de paille humide, n’ayant d’autre nourriture qu’un peu de pain et de l’eau infecte à boire, que nos gardiens allaient puiser à une mare dans laquelle ils ne se gênaient pas pour faire leurs ordures, C’est épouvantable, mais c’est ainsi.

» Après nous avoir dépouillés de tout, on nous dirigea sur le chemin de fer de l’Ouest.

» On nous entassa quarante dans des wagons à bestiaux hermétiquement fermés et privés de lumière, nous donnant pour tout potage un peu de biscuit et quelques bidons d’eau. Nous restâmes ainsi jusqu’au samedi matin quatre heures, où nous débarquâmes à Brest au nombre de six cents ; les autres prisonniers avaient été dirigés sur différentes prisons. Vainement en route avions-nous supplié nos gardiens de nous donner de l’eau et de l’air, ils restèrent sourds à nos supplications, nous menaçant de leurs revolvers à la moindre tentative de révolte. Plusieurs d’entre nous étaient devenus fous. Pensez donc ! trente-et-une heures de chemin de fer, enfermés dans des conditions pareilles. Quoi d’étonnant à ces cas de folie, et n’est-il pas surprenant qu’il n’en soit pas résulté pour un nombre plus considérable d’entre nous de plus grands malheurs ?

» À notre descente du train, on nous embarqua aussitôt pour le fort de Kelern, où nous sommes toujours internés, privés de toute communication avec le dehors et presque sans nouvelles de nos familles dont les lettres ne nous parviennent que décachetées, exactement comme les nôtres qui ne partent qu’après avoir passé par la censure. Confinés dans des casemates humides et couchés sur une méchante paillasse, nous manquons en outre de nourriture et la plupart d’entre nous endurent les souffrances de la faim. Nous n’avons pas même deux gamelles pleines de soupe et à peine une livre