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Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/419

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qu’il promena comme un trophée triomphal. Là-dessus, le féroce Vinoy s’éloigna et nous reprîmes notre marche douloureuse et humiliante, tantôt marchant, tantôt courant, au gré de nos conducteurs littéralement abreuvés d’indignités jusqu’à notre arrivée à Versailles.

» Ici la plume nous tombe des mains. Il est, en effet, impossible de décrire l’accueil que nous reçûmes dans la cité des ruraux. Cela dépasse en ignominie tout ce qu’il est possible d’imaginer, bousculés, foulés aux pieds à coups de poings, à coups de bâton au milieu des huées et des vociférations, on nous fit faire deux fois le tour de la ville en calculant les haltes à dessein pour nous exposer d’autant mieux aux atrocités d’une population de mouchards et de policiers qui bordaient des deux côtés les rues que nous traversions.

» On nous mena d’abord devant le dépôt de cavalerie où nous fîmes une halte d’au moins vingt minutes. La foule nous arrachait nos couvertures, nos képis, nos bidons. Enfin rien n’échappait à la rage de ces énergumènes, ivres de haine et de vengeance. On nous traitait de voleurs, de brigands, d’assassins, de canailles, etc. De là nous allâmes à la caserne des gardes de Paris.

» On nous fit entrer dans la cour où nous trouvâmes ces messieurs qui nous reçurent par une horrible bordée d’injures infâmes et qui, sur l’ordre de leurs chefs, armèrent bruyamment leurs chasse-pots, nous disant avec force rires qu’ils allaient nous fusiller tous comme des chiens. C’est au milieu de l’escorte de cette vile soldatesque que nous prîmes le chemin de Satory, où on nous enferma au nombre de 1 685 dans un magasin à fourrages, épuisés de fatigue et de besoin, dans l’impossibilité de nous coucher tellement nous étions serrés les uns contre les autres ; nous passâmes là deux nuits et deux jours debout, nous relevant à tour de rôle pour