Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/48

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

» Mais le triste sire avait fait trop longtemps antichambre pour se décider à sortir du salon où on lui avait enfin permis d’entrer et de s’asseoir.

» À la foudroyante nouvelle de l’attentat, de nombreuses réunions publiques de protestation s’organisèrent dans la soirée. Amouroux, qui fut depuis membre de la Commune, condamné aux travaux forcés par les conseils de guerre versaillais, et mourut membre du conseil municipal de Paris, étendit un large voile noir sur la tribune. Des cris de fureur éclatèrent dans les rues. Des groupes se formaient pour aller enlever le corps, déposé à Neuilly dans une maison particulière, et le ramener dans Paris même au bureau de mon journal, La Marseillaise, d’où le convoi funèbre serait parti. C’était un véritable délire de vengeance.

» En réalité, l’arrestation du meurtrier n’avait eu d’autre but que de l’arracher à la foule qui l’aurait certainement lynché. On parlait d’aller attaquer la Conciergerie et d’y égorger le pseudo-prisonnier.

» L’insuccès du complot avait, m’a-t-on raconté après le 4 septembre, affolé le monde des Tuileries, lequel tenait à ma mort et pas du tout à celle du jeune Victor Noir, qui allait la faire payer si cher au gouvernement.

» Le lendemain, quand j’entrai tout pâle et tout défait dans la salle des séances du Corps législatif, j’y fus accueilli par un silence plus inquiétant pour l’Empire que pour moi.

» Je savais déjà que j’étais déféré par Ollivier à ses domestiques correctionnels, et je l’entendis dans les couloirs répondre à un député qui lui faisait remarquer tout le danger de cette poursuite :

» — Il faut en finir, il est impossible de gouverner avec M. Rochefort. »

» Je demandai immédiatement la parole et je reproduis d’après l’Officiel l’incident qui s’ensuivit.