Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/52

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mouvementée. Dès le matin la maison de la rue du Marché à Neuilly où la bière repose sur deux chaises a été envahie par une foule qui grossit au point de rendre toute circulation à peu près impraticable. Comment parviendra-t-on à faire avancer le corbillard jusqu’à la porte ? C’est là un problème qui paraît insoluble.

» J’arrive exténué, n’ayant ni mangé depuis trois jours ni dormi depuis trois nuits, tant les émotions de toute nature m’avaient étreint et ballotté. On me fait passer à bout de bras jusqu’à l’entrée de la maison où je monte et où je trouve Delescluze et Louis Noir le romancier bien connu, frère de la victime.

» Bientôt Flourens arrive et une première bataille s’engage entre les partisans de l’enterrement dans Paris même au Père Lachaise où on amènerait le corps, et l’ensevelissement à Neuilly.

» Cent mille hommes tant d’infanterie que de cavalerie avaient été mobilisés de toutes les garnisons environnantes pour noyer dans le sang toute tentative d’insurrection. D’ailleurs la foule était sans armes ; surprise par le coup de foudre parti de la maison d’Auteuil, elle n’avait eu le temps ni de s’organiser ni de s’entendre.

» Mue par un même sentiment de colère, elle était venue spontanément manifester contre deux assassins, celui des Tuileries et l’autre.

» Nous avions Delescluze et moi harangué nos amis et l’immense majorité des assistants était décidée à nous écouter et à nous suivre, quand, au milieu de la route qui conduit au cimetière d’Auteuil, Flourens, et plusieurs des hommes qui l’entouraient et dont malheureusement avec sa crédulité généreuse il ne contrôlait pas toujours suffisamment les accointances, se jetèrent à la tête des chevaux qu’ils essayèrent de faire retourner du côté de Paris. Puis le cocher des