Page:Michel - La Reliure française, 1880.djvu/224

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qui constituent un style. Cette concordance est le résumé des aspirations, des goûts d’une époque, et non le fait d’une individualité.

Le faste, la grandeur du Roi-soleil ne pouvaient convenir aux roués de la Régence, et les trois mots gravés au fronton de Bagatelle : Parva sed apta, résument à eux seuls tous les goûts de cette période, et expliquent cet art raffiné et sensuel.

Mais la Reliure est, à la fin du dix-huitième siècle, dans une période de décadence ; l’excès de la production l’a tuée. Elle s’était maintenue longtemps, et avait suivi l’art national dans ses plus hautes manifestations ; elle est alors trop lourde de décoration, la dorure est mauvaise d’exécution. Les délicieuses fantaisies des grands vignettistes[1] du siècle qui passent chaque jour dans les mains des relieurs ne leur ouvrent pas les yeux, et c’est aux imprimeurs les plus médiocres qu’ils vont emprunter bientôt les modèles de leurs fers.

Ils ne sont pas seuls responsables de cette décadence. Les amateurs se sont de tout temps divisés en deux groupes : dans le premier, le chercheur, artiste, connaisseur, ayant le sentiment et la passion du beau ; dans le second, le désœuvré

  1. Il y eut cependant quelques cas où les vignettistes fournirent des modèles de fers. Les grandes plaques du sacre dont nous avons parlé, et qui furent tirées chez Dubuisson, nous paraissent avoir été composées, non par ce dessinateur-doreur, elles sont plus fortes que son œuvre, mais par les maîtres qui firent les encadrements des planches intérieures. Plus tard, Gravelot donna les dessins des fers pour les exemplaires de présent des Contes de la Fontaine de 1762, pour le Racine de 1768 en sept volumes, et l’édition de la Jérusalem délivrée de 1771 en deux volumes. Ces dessins sont aujourd’hui chez M. Em. Bocher. Gravelot, si fin d’habitude, nous a paru un peu lourd dans cette circonstance ; peut-être les dessins ont-ils été mal interprétés.