Page:Michel - La Reliure française, 1880.djvu/225

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à qui cette ardeur est venue un matin comme ces amours mignons dont parle le poëte :


Poussés en une nuit comme les champignons.

Étranger aux choses de l’art en général, ce dernier ne peut exercer qu’une influence pernicieuse, surtout en reliure, où cette influence de l’amateur sur l’artiste qui exécute est plus intime que dans toute autre branche des arts.

Chez le véritable amateur, la passion grandit avec l’étude ; une collection de livres peu à peu réunis donne à celui qui les possède et les apprécie au point de vue artistique des jouissances inconnues au vulgaire ; le prix qu’il a payé tel ou tel volume rare n’entre pour rien dans son admiration. Heureux de suivre dans ses développements un art dont l’étude l’intéresse et l’attache davantage chaque jour, il seconde au contraire les artistes de son temps, partage avec eux la gloire de conserver les grandes traditions, et trop artiste lui-même pour s’imposer comme un guide, il sait être précieux collaborateur plein de science et de goût. Tels étaient les grands bibliophiles du seizième siècle ; la plupart de ceux du dix-huitième siècle ne leur ressemblaient guère. Aussi c’est par le côté de l’ornementation extérieure, qui fait toucher la Reliure à l’art, que la décadence est complète.

Les tentatives faites par Derome jeune pour suivre le mouvement du style Louis XVI contre les exagérations du rococo ne furent pas couronnées de succès ; il aurait fallu un amateur de grande valeur pour soutenir cet effort, et le « Louis XVI », qui a fait éclore dans l’industrie française tant d’œuvres charmantes, aurait pu trouver en Reliure une heureuse interprétation.