Page:Michel - La Reliure française, 1880.djvu/25

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un effort affecté le carton, qui consent à se lever de quelques centimètres. « C’est du délire, hein, mon cher ! Quelle reliure ! Il n’y a décidément que maître X… qui vous bâtisse un livre comme cela ! — Mais, faites-vous observer, c’est un livre. — Et un fameux ! il n’y en a que deux exemplaires de connus. — Pardon, ajoutez-vous timidement, je voulais dire : Puisque c’est un livre, ne devrait-il pas s’ouvrir ? »

Malheureux ! qu’avez-vous fait ? Le bibliophile vous jette un regard indéfinissable : vous êtes pour lui un homme jugé ; vous ne serez jamais qu’un profane, indigne d’apprécier une reliure bien faite. Le but a été dépassé, et si l’on persévère dans cette manière, d’ici deux ans le comble de l’art sera de faire un livre qui se ferme, mais ne s’ouvre pas. Que le dos soit ferme et la coiffe résistante, rien de mieux ! que le livre soit plutôt bombé que creux au milieu, très-bien ! qu’il reste fermé et ne bâille pas, parfait ! Mais cela ne constitue pas les seules qualités que l’on doit exiger d’une reliure, et c’est surtout dans ce qui échappe à un premier examen qu’il faut se montrer difficile.

Toutes les opérations successives du corps d’ouvrage devront être faites lentement, c’est-à-dire en laissant un intervalle de plusieurs jours, quelquefois même de plusieurs semaines, entre chaque partie du travail. Le livre en cours d’exécution ne doit jamais être abandonné à lui-même ; il faut toujours qu’il soit pressé ou chargé. C’est ainsi que l’on obtient une reliure bien en main et pas soufflée. Telle reliure, charmante derrière une vitrine, ne supporte pas l’examen ; dès que l’on y touche, on s’aperçoit qu’il n’y a le plus souvent que l’enveloppe, l’épiderme, et au-dessous, rien.

Il faut veiller à ce que le volume soit rogné d’équerre,