Page:Michel - La Reliure française, 1880.djvu/24

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lus sérieuse. » On se mit donc à coudre les volumes à nerfs et, revenant aux méthodes primitives, à coller des parchemins sur les dos, qui devinrent solides, résistants, et conservèrent la souplesse nécessaire, la couture soignée permettant aux cahiers de se développer régulièrement et sans fatigue au moment de l’ouverture, puis le parchemin forçant le dos à reprendre sa forme quand on refermait le livre. Il ne restait plus qu’à perfectionner les détails : on était rentré dans la bonne voie. On faisait bien ; on voulut faire mieux, plus dur encore. L’amateur faisant autorité, il fallait le satisfaire, et le relieur de coller papier sur papier, de tendre outre mesure les ficelles qui maintiennent les cartons. « Plus dur encore ! — Mais ne craignez-vous pas que le volume ne s’ouvre plus ? — Allez toujours ! » L’amateur, enfin satisfait, emporte en triomphateur la reliure qu’il a rêvée[1].

Voyez-le montrer à un visiteur un livre de sa bibliothèque ; il le saisit de la main droite, puis de la gauche presse fortement, plus fortement encore l’extrémité du dos : la coiffe résiste, un sourire de satisfaction illumine son visage. Il place alors le volume sur la table, et au lieu d’entendre ce choc sonore et agréable à l’oreille que produit une bonne vieille reliure en se posant d’elle-même bien à plat, vous voyez avec surprise le livre tourner sur lui-même. « Regardez, s’écrie l’amateur, comme il est ovale ! comme il fait l’œuf ! » Enfin le livre s’est arrêté. Il soulève alors avec

  1. L’amateur savait-il que, pour arriver à contenter cette exigence outrée, on n’allait pas hésiter à employer un procédé barbare, qui consiste à tremper de longues heures le dos de colle pour frotter ensuite les cahiers, réduits à l’état de pâte, avec un instrument de fer ? Le dos devient alors un bloc, un monolithe de carton-pierre ; mais les fonds, que sont-ils devenus ? Ils sont coupés, détruits !