Page:Michel - La Reliure française, 1880.djvu/29

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les œuvres des relieurs anciens, on s’est pris tout à coup pour eux d’une passion folle, irraisonnée ; on admire telle reliure parce qu’elle est ancienne, et l’admiration n’a plus de bornes si ce volume a fait partie de la collection d’un amateur célèbre. Il y a un choix à faire, et les anciens n’ont pas produit que des merveilles !

Certes le nombre des amateurs d’élite dont l’éducation artistique est des plus complètes augmente heureusement chaque jour ; mais combien d’autres encore hésitent à payer un prix modique des œuvres que l’on couvrirait d’or si elles avaient essuyé déjà le feu des enchères !

Il est inutile de chercher, vous ne ferez pas mieux que les anciens, dit-on ; mais, encore une fois, il ne s’agit pas que de faire mieux, il faut faire aussi bien qu’eux, autre chose !

Si de Thou, qui dans sa jeunesse avait connu Grolier et admiré à son aise sa merveilleuse collection de livres, de Thou, le célèbre amateur, sous le patronage duquel s’est placée avec raison la Société des bibliophiles français, avait dédaigné les recherches de décoration nouvelle des relieurs de son temps, il aurait imposé aux Èves, qui, dit-on, relièrent ses livres, la reproduction des Grolier ou des Maioli. Si plus tard Mazarin, Fouquet ou Séguier, n’avaient pas accepté la révolution faite par le Gascon ; si les amateurs à la fin du dix-septième siècle n’avaient pas encouragé le genre des Boyet, tant apprécié aujourd’hui ; si enfin on avait, au dix-huitième siècle, bafoué les essais des Padeloup et des Derome, nous étions condamnés aux Grolier à perpétuité ! Mais ces illustres bibliophiles vivaient dans le milieu artistique de leur temps, et s’ils aimaient plus particulièrement