Page:Michel - La misère.pdf/188

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
188
LA MISÈRE

Comment ? comment ? » cria la chanoinesse, est-ce que vous auriez eu quelque chose à démêler avec les parents de ce jeune homme et le meunier de la Roche-Brune ?.. >> «  Seriez-vous véritablement le fils de Jean-Louis Alard ? » demanda Lucy, « en ce cas, ce serait différent. » « — Je ne suis pas son fils, mais son neveu et son pupille, » répondit Gaspard rougissant. « Il a toute autorité sur moi, c’est lui qui pourvoit à tous les frais de mon éducation. Mais il me laisse entièrement libre de choisir mes professeurs et… Je suis fort occupé, interrompit Artona, ma femme aussi et je ne pense pas que nous puissions accepter un nouvel élève. » > « < «  - - — Ne l’écoutez pas, dit la chanoinesse, mon beau-frère veut plaisanter. >> « —> — Peut-être craignez-vous que je vous donne trop de peine à dégrossir, mais rassurez-vous sur ce point, » dit ingénument le jeune Gaspard à Artona, « j’ai déjà eu plusieurs prix de musique et M. Barhichard, le maître de dessin, a eu la modestie de m’avouer qu’il ne pouvait plus rien m’enseigner. » « — Quoi qu’il en soit, répondit Artona, ma femme et moi ne pouvons devenir vos professeurs qu’avec le consentement écrit de vos parents. » « < — Mais, monsieur, supplia Gaspard, c’est une surprise que je veux leur faire. » Croyez-vous que Jean Louis Alard, le meunier de la Roche-Brune, appré- ciera beaucoup une telle surprise ? » « — « L’enfant se troubla. » «  Monsieur, » dit-il en rougissant de plus belle, je croyais… mon oncle à la vérité n’est pas connaisseur… mais ma tante… si vous vouliez… » — » > Je suis fâché de vous faire de la peine, mon jeune ami, mais il est inutile d’insister, « <dit Artona d’un ton où la fermeté affectée trahissait l’émotion contenue. « Gaspard salua et sortit. » > « Il était temps ; madame de la Plagne étouffait, Elle ne comprenait rien à la conduite d’Artona et encore moins à celle de Lucy. Or, ce que madame la chanoi- nesse ne comprenait pas, ne pouvait être qu’une énormité. » > « < Mais laissons-la jeter en fougueuses métaphores toutes les fleurs de sa ré- thorique. Occupons-nous de notre nouvelle connaisance. » « Gaspardavait fait ses études au collège d’Issoire. Reçu bachelier à quinze ans, il attendait, disait-on, l’âge d’entrer au grand séminaire. C’était du moins ce que pensaient les commères du quartier Saint-Antoine, dont la pénétration ne date pas d’hier, comme chacun sait. >> « Sur l’opinion des dites commères s’était faite celle des dames pieuses, que le journal d’Issoire avait ainsi traduite, lors du dernier succès de l’écolier : « Le riche meunier de la Roche-Brune, pour marquer à Dieu sa reconnais- « <sance et le remercier de la prospérité de sa maison, veut donner au Seigneur un « < ministre qui pourra, comme Ravignan, le faire aimer par sa parole, comme le « < père Labillotte le célébrer par ses chants. >> Les bonnes dames de la haute volée n’attendaient rien moins de ce jeune lévite, comme elles l’appelaient déjà, et autour duquel la population de la ville, enthousiaste par tempérament, avait fait un certain bruit. »