Page:Michel - La misère.pdf/296

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
296
LA MISÈRE

296

elle venait pour essayer de gagner de quoi payer le cercueil de sa petite Lize, de quoi acheter du pain à ses sœurs. A la vue des jeunes gens, dont trois étaient en chemise, elle referma la porte disant qu’elle attendrait. Lapersonne se drapa de son mieux dans la toge romaine. Le nègre et le mécanicien s’habillèrent à la hâte. La crémière s’en alla. Sur le palier, elle rencontra Angèle. Les deux femmes se regardèrent toutes surprises. « Eh ! mais ! Je ne me trompe pas ? » demanda Mme Mercier c’est bien vous qui êtes venue l’autre jour avec un amour de petite fille ? » Angèle fit signe que oui. Pauvre petite ! dit la bonne crémière en lui prenant la main, pauvre petite ! Je vois qu’il vous est arrivé quelque chose. En attendant que cette ménagerie de singes soit en ordre, descendez avec moi et venez prendre quelque chose. Vous en avez besoin. Angèle secoua la tête. — Une bonne tasse de chocolat vous remettra, ma pauvrette, puis vous me conterez les malheurs qui vous sont arrivés. Vrail il a dû en pleuvoir sur vous, depuis que je vous ai vue, pour vous mettre dans un tel état. Rien ne soulage comme de dire ses peines. Je le sais par expérience. Mme Mercier émue de compassion cherchait à entraîner la jeune fille. Merci ! dit Angèle en s’asseyant sur le haut de l’escalier, merci de votre bonté. Je n’ai pas faim. Mais une tasse de chocolat ça se prend sans fim. J’ai l’estomac trop serré. — Et pourquoi ? Ma petite est morte !… — Morte ! Depuis quand ? — Je ne sais pas. Elle raconta ce qui lui était arrivé, la bouche et les yeux secs, sans qu’un sanglot sortit de sa poitrine, sans qu’une larme mouillât ses paupières brûlées par la fièvre. La bonne Mme Mercier, au contraire, pleurait comme une fontaine. C’était trop triste tout de même de voir une jeunesse si malheureuse. Et que venez vous faire ici ? demanda Mme Mercier. — Poser. — Poser ?… Est-ce possible, vous qui avez l’air si modeste. Mais ma pauvre enfant c’est un vilain métier. Est-ce la première fois que vous le faites ? . Oui. Savez-vous qu’il faut être nue comme la main. Oh ! non ! non ! vous vous trompez, madame, ce monsieur m’a dit que je poserais comme si j’étais sa propre sœur, sans ça je ne serais pas venue. C’est différent. Je suis une pauvre fille trompée, mais, voyez-vous, pourtant je suis