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LA MISÈRE

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n’aura pas créé la force morale qui doit régler l’emploi des richesses. Tant que les riches ne comprendront pas qu’ils ne sont que les économes de ces richesses accumulées dans leurs mains par le travail des générations, les révolutions resteront un droit pour la masse des déshérités. » Madozet était parti depuis longtemps. Minuit sonna à l’horloge de la fabrique. « Allons, » > dit Gustave « voilà le commencement de la fin, mon dernier jour va luire. Et il se remit à penser. >> « Le bruit d’une voiture s’arrêtant devant la porte, le tira de sa rêverie. Le lourd marteau retentit avec force et bientôt les roues firent crier le gros sable de la cour. >>> « Le marquis entendit la voix du meunier, puis des pas dans le corridor. On ouvrit et Valentine, pâle, chancelante, vint tomber aux pieds de son mari qu’elle embrassa. » « Il la repoussa comme il eût repoussé un serpent. ▸ « Oui ! oui ! » > dit-elle « frappe-moi, Gustave, frappe-moi, tue-moi ! » « Il éclata de rire. > « Ha ha ha ! » fit-il, « ils n’ont que cela à vous dire : tue-moi, comme si on pouvait être à la fois victime et bourreau ! Tue-moi ! de près comme de loin, ils s’entendent. Touchant accord !  !  ! » « Il se rassit. Elle demeura à la même place, à genoux, les mains jointes, dans l’attitude du plus profond repentir. Ses longs cheveux blonds déroulés par la course lui couvraient une partie du visage. » « Au premier mot du duel, elle avait suivi Jean-Louis, sans même prendre le temps de jeter un châle sur ses épaules, un chapeau sur sa tête. » << Elle tendait ses mains suppliantes. » Va-t’en » lui dit Gustave, « va-t’en, je ne veux pas te tuer et, si tu restais là à braver ma colère, je ne sais pas ce qui arriverait. Hier, je n’étais encore qu’un enfant timide et heureux ! Aujourd’hui, le malheur m’a fait homme. Il faut me craindre, entends-tu ? Va-t’en. » ― » > «  Grâce Jésus a pardonné à la femme adultère ! > Jésus n’était pas son mari. Va-t’en et sois maudite. » > « La marquise poussa un faible gémissement et s’affaissa comme morte, la face sur le tapis. Gustave ne bougea pas. En ce moment, un coup de pistolet. traversa le silence de la nuit. » > « Le marquis courut à la fenêtre. Il vit celle d’Artona éclairée et se hâta de descendre. Au bas de l’escalier, il rencontra Jean-Louis. « Va, » lui dit-il, secourir ta sœur. » Et il entra dans le pavillon du secrétaire. »

  • Les débris d’un pistolet étaient épars sur le parquet, Artona, assis dans son

fauteuil de bureau, la tête renversée en arrière, avait l’immobilité d’un cadavre. De l’une de ses mains pendant le long du fauteuil, s’échappaient des flots de sang. Le marquis le crut mort. » << Devant cette suprême satisfaction que lui donnait Artona, sa haine se tut. »