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LA MISÈRE

890 LA MISÉRE — Non, un peu fatiguée, voilà tout. Je me suis laissée emporter par un petit travail que je fais sur l’éducation. M. de Saint-Cyrgue parut agréablement surpris. — Ha de simples observations sur mon élève, ajouta négligemment Mlle de Méria. Il est vrai que de cette étude toute personnelle, j’arrive parfois à des formules générales, sans perdre de vue le cas particulier de Valérie Rousserand. Et quel est ce cas, je serais curieux de le connaître ? Cette enfant est fille unique d’un manufacturier archimillionnaire. Et… Je cherche tous les moyens de cultiver en elle les sentiments d’humanité et de justice que devraient avoir tous les détenteurs d’une grande fortune. La figure de M. de Saint-Cyrgue exprima un joyeux étonnement. Mais ce ne fut qu’un éclair, et Blanche, occupée à passer son mouchoir sur son visage pâli, ne vit pas cet étonnement. intérêt. Êtes-vous souffrante, mon enfant ? demanda M. de Saint-Cyrgue avec Non. — Cependant vous n’avez pas bonne mine. — Ne faites pas attention, ce n’est rien. Je crois seulement que j’ai besoin de prendre quelque chose. Je suis sortie sans manger. Voulez-vous déjeuner avec moi ? · Volontiers. Vous voyez que je suis tout à fait sans cérémonie. — Et je vous en félicite. Je vais faire apporter ici… — Ce n’est pas la peine, vous êtes encombré de papiers. Il n’y pas de place pour dresser un couvert. Mais n’avez-vous aucune répugnance à vous asseoir à une table d’hôte ? Aucune. J’aime à me trouver mêlée à la vie de mes semblables ; c’est le meilleur moyen de les étudier, de les aimer et de leur être quelquefois utile. — Mais vous êtes une vraie philosophe. Oh ! non, mais tout simplement une bonne fille. Je n’ai pas d’autres prétentions. J’ai souffert déjà beaucoup et j’ai appris ainsi à compâtir aux souffrances des autres, à les deviner. Si c’est être philosophe… Est-ce que votre frère partage un peu votre manière de voir ? · Très peu, nous avons même des points de vue tout à fait différents. Ha ! — Quoique cependant nous ayons le même but. — Comment cela ? Hector croit que la monarchie seule peut assurer la paix et le bonheur à notre pays. Il est royaliste. -Et vous ? Mon Dieu, cher cousin, vous allez rire de moi, vous qui semblez rire de tout, mais dussiez-vous m’accabler de vos sarcasmes, je vous avouerai que je suis républicaine.