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LA MISÈRE

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C’est un autre, bien sûr, c’est un autre d’Espaillac. Nous verrons bien, je vais toujours envoyer chercher le comte, dit M. de Saint-Cyrgue. Il demeure à deux pas d’ici et ne refusera pas de venir. Hector prit la parole : Y pensez-vous, mon cousin, déranger un si haut fonctionnaire pour une confrontation ? La il se dérangera volontiers pour m’être agréable. — Mais, monsieur, cela nous place tous ici dans une position plus que ridicule. Quant à moi, je ne veux pas de confrontation. Ma parole, celle de ma sœur, doivent vous suffire. Et, quand nous affirmons que monsieur est un d’Espaillac, on doit nous croire… Sa parole ! il est bon, fit le maître d’école. Permettez seulement que je vous raconte, monsieur de Saint-Cyrgue, et vous allez voir. Et, malgré le tapage de voix qui recommençait, l’honnête balayeur entreprit brièvement le récit du guet-apens dont il venait d’être victime. Tenez, fit-il en terminant, point n’est besoin d’autre témoignage, et je me démens de tout si vos deux gentilshommes consentent à retourner leurs poches devant nous. A la grande stupéfaction de M. de Saint-Cyrgue, Nicolas y consentit. Sa carte de police était dans le paletot qu’il avait laissé dsns une des chambres de l’hôtel. Il n’avait aucune crainte d’exhiber les petits objets qu’il portait sur lui. Seul le portefeuille l’inquiétait. Mais après tout, était-il étonnant, qu’un d’Espaillac eut un billet de mille francs dans sa poche ? Le comte de Méria, rouge, éperdu, regardait avec des yeux de tigre le policier se prêter à une recherche déshonorante. Ouvrez-moi

! fit-il impérieusement, M. d’Espaillac ne comprend pas l’outrage

qu’on lui fait. Il paraît que la folie est contagieuse. Pour rien au monde, je n’assisterai à…. Un cri de triomphe coupa la parole à Hector. Dans les objets que le mouchard déposait sur une table, à mesure qu’il les sortait de ses poches, le maître d’école s’était saisi d’un portefeuille, l’avait ouvert et en avait tiré un billet de mille francs. Tenez, dit-il en le tendant à M. de Saint-Cyrgue, voici la preuve de ce que j’avance : ces deux coquins m’ont volé ça. Nicolas s’avança pour reprendre le billet. Mais le vieillard le serra dans sa main. Pour le coup, dit M. de Méria riant d’un rire forcé, vous voyez bien, mon cousin, que cet homme est archifou. Ne nous faites pas l’affront de l’écouter davantage. M. de Saint-Cyrgue commençait à partager l’opinion exprimée par de Méria. Léon-Paul devait, en effet, avoir perdu la raison. Quelle apparence y avait-il qu’Hector, un gentilhomme, un homme du grand monde put être descendu si