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LA MISÈRE

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Le vieil Henri baissa la tête sans répondre. Jacques se creusait la cervelle et, ne trouvant rien, commençait à se rassurer. Ce pauvre vieux battait la breloque, évidemment. Si Angèle n’était ni morte ni malade, c’est que tout allait bien. La pensée du déshonneur de son enfant ne pouvait même lui venir à l’esprit. Dans son souvenir, elle était encore toute rayonnante de la grâce ingénue de seś dix ans. Il la voyait avec ses grands yeux bleus, étonnés et profonds, ses cheveux bouclés, son bon sourire innocent. Que venait-on lui chanter avec ces avertissements bêtes ? 2.411 Écoute, » dit le balayer, arrêtons-nous un instant, je n’en puis plus. C’est une grande et dure corvée pummoi d’être obligé de te dire la chose. >

Jacques se remit à trembler. Il voyait bien que le vieux parlait sérieusement et qu’il n’était pas fou. Cependant il avait beau chercher, se torturer l’esprit, il ne trouvait rien qui put justifier les préambules alarmants de son oncle. Ils s’arrêtèrent. Le vieillard pononga à voix basse : • « Angeletan enfant ! Jacques ohanebla, et vinttomber sur lumides bancs de l’avenue ; il y demeura comme faudroyé. Desigouttes de sua froide mouillèrent ses tempes, tout son sang lui refluait au cœur, et pâle omme un plâtre fraîchement malé, il demeurait là, immobile. Angèle aun enfant ! Cesmots, qui Ini avaient été dits à voix basse, tintaient à ses oreilles en sons aigus, lui pénétraient dans la cervelle comme des pointes d’acier. « < Angèle a unanifant ! » étaitatace ! Et il avait fait six mille sept cents lieues pour venir entendre ça. Mais qu’avait-il donc fait pour être si malheureux ? — Eh bien luisdemandade vieillard, que comptes-tu faire ? -Tuer celui quizaidenhumoré mummifant. Mais on ne de sant pas. La petite n’a rien voulu dire. Pas même à mère ? Pas même à sa mère. Ah je le trouverai bien, moi.

  • Ce doit être un de ces riches dépravés auxquels il faut des morceaux choisis,

et c’est nous, nous qui devons les leur fournir !… » Il renversa sa tête en arrière et serrant les poings, il en menaça le ciel en s’écriant : « Malheurt malheur à lui ! » Il se leva, et tout chancelant, se dirigea vers sa demeure, réglant maintenant son pas sur celui du vieillard. « O ma fille ! ma fille ! » disait-il d’une voix navrée. Et des ruisseaux de pleurs coulaient sur ses joues, arrosant sa longue barbe. Les passants se retournaient pour regarder cet homme dont tout l’être trahissait ladouleur. Mais lui, insensible à ce qui n’était pas sa peine, allait sans savoir où, sans voir personne. < A quinze ans à quinze ans ! elle est déjà mère ! » disait le pauvre repatrie. Et il pensait en s’attendrissant qu’il ne lui en voulait pas. Elle ! oh ! il la cacherait dans son sein, il la relèverait par son amour, il la nourrirait du travail de ses mains.