Page:Michel - Prise de possession.djvu/29

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Lors même qu’il resterait, dans quelque coin du monde, des hommes d’État plus bêtes et plus cruels que le roi de Dahomey, l’heure de la transférade sociale, qui ferme notre cycle et précède le nouveau, n’en est pas moins venue. Ce n’est pas parce qu’il resterait quelques feuilles mortes passant l’hiver qu’elles en sont moins mortes.

Le grain est à l’horizon, il grossit et bientôt lavera la terre, balayant finances, pouvoir, mascarades et mises en scène des mensonges séculaires.

En fomentant une guerre, dont les peuples ne veulent pas mais qu’ils sont capables encore de subir, de subir d’abord, de faire ensuite avec une furie de meutes, l’instinct sanguinaire de la bête s’étant réveillé, les maîtres du bétail humain pensent refaire à neuf la vieille société ; ils se trompent. Un certain nombre d’hommes tourneraient contre l’ennemi commun les armes qu’on leur aurait données pour s’égorger entre eux et rendraient par la révolte la délivrance générale.

Cette internationale spontanée de la lutte pourrait être la minorité : la routine, l’habitude de la discipline retiendraient beaucoup d’esclaves dans le troupeau. Mais n’est-ce pas toujours une minorité qui a essayé les révolutions ?

Elles se font même seules quand l’heure est venue.

Que ce soit la grève, la peste ou la guerre qui donne le coup d’épieu au vampire du capital, la prise de possession de tout par tous n’est pas moins faite. Les uns, las de souffrir, les autres, indignés, tous, amis et ennemis, — entendez-vous ? ennemis même, — tous n’ont rien à y perdre, tout à y gagner. La prise de possession de tout par tous n’est que la délivrance de tous, — la fin du vol éternellement commis par les privilégiés et stupidement accepté par les foules.


Puisqu’on agite le fantôme de la guerre, puisqu’on veut rajeunir dans un bain de sang le vieux monde déjà mort