Aller au contenu

Page:Michel Corday - Charlotte Corday, 1929.djvu/10

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

presque enfantine. C’était un délice inoubliable de l’entendre.

Bien qu’on s’efforçât, dans son entourage, de la corriger de ce travers, elle baissait volontiers la tête, dans une attitude de rêve et de mélancolie.

La mélancolie… Comment n’en eût-elle pas senti le poids, sous les lourdes voûtes de l’Abbaye-aux-Dames ? Depuis l’âge dont on commence à garder la mémoire, c’est-à-dire environ la cinquième année, elle avait connu deux vies tout opposées. D’abord une enfance de grand air, de cueillette et de verger, de verdure et de lumière, une enfance qui sentait le cidre doux et l’herbe foulée, une enfance en robe de toile claire, le col libre et les bras nus. Et soudain, la pénombre, l’uniforme rigide et montant, les murailles orgueilleuses de l’Abbaye.

Dans sa libre existence de fillette, elle changeait souvent de toit. Mais toutes les maisons de son enfance sont groupées. Elles dessinent sur la carte une petite constellation. Elles s’assemblent entre Argentan et Vimoutiers, au seuil de la Vallée d’Auge, ce vaste estuaire